{"id":23940,"date":"2022-05-13T15:39:02","date_gmt":"2022-05-13T13:39:02","guid":{"rendered":"https:\/\/rechtsanwalt.fr\/?p=23940"},"modified":"2023-11-20T15:44:33","modified_gmt":"2023-11-20T14:44:33","slug":"droit-du-travail-en-allemagne-arret-de-principe-de-la-cour-federale-du-travail-sur-la-remuneration-des-heures-supplementaires","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/rechtsanwalt.fr\/fr\/droit-du-travail-en-allemagne-arret-de-principe-de-la-cour-federale-du-travail-sur-la-remuneration-des-heures-supplementaires\/","title":{"rendered":"Droit du travail en Allemagne : arr\u00eat de principe de la Cour f\u00e9d\u00e9rale du travail sur la r\u00e9mun\u00e9ration des heures suppl\u00e9mentaires"},"content":{"rendered":"
Dans une affaire qui a fait couler beaucoup d'encre dans la presse allemande, la Cour f\u00e9d\u00e9rale du travail vient de rendre un arr\u00eat de principe sur la charge de l\u2019argumentation et de la preuve (\u00ab Darlegungs- und beweislast<\/em> \u00bb) en cas de litige portant sur la r\u00e9mun\u00e9ration des heures suppl\u00e9mentaires<\/a> entre employeur et salari\u00e9 (r\u00e9f\u00e9rence de l'arr\u00eat : BAG, 4.5.2022 \u2013 5 AZR 359\/21<\/em>).<\/p>\n\n\n\n En r\u00e8gle g\u00e9n\u00e9rale, un salari\u00e9 allemand doit \u00eatre r\u00e9mun\u00e9r\u00e9 pour toute heure suppl\u00e9mentaire effectu\u00e9e, dans la mesure o\u00f9 il r\u00e9alise l\u00e0 une prestation suppl\u00e9mentaire par rapport \u00e0 ce qui est pr\u00e9vu dans son contrat de travail. Mais dans la pratique, il n'est pas toujours facile pour les salari\u00e9s en Allemagne de faire valoir la r\u00e9mun\u00e9ration des heures suppl\u00e9mentaires aupr\u00e8s de leur employeur. C\u2019est pourquoi cette affaire a \u00e9t\u00e9 suivie avec une grande attention, aussi bien par les employeurs que par les repr\u00e9sentants des salari\u00e9s et les syndicats.<\/p>\n\n\n\n Avant cet arr\u00eat rendu le 4 mai 2022, un socle jurisprudentiel solide avait d\u00e9j\u00e0 \u00e9t\u00e9 \u00e9tabli sur la charge de l\u2019argumentation et de la preuve en mati\u00e8re proc\u00e9durale lors de la revendication d'heures suppl\u00e9mentaires. En cas de litige, un salari\u00e9 doit exposer concr\u00e8tement devant le tribunal les jours et les heures o\u00f9 il a travaill\u00e9 au-del\u00e0 de son horaire habituel. Lorsqu'il r\u00e9clame le paiement d'heures suppl\u00e9mentaires, le salari\u00e9 allemand doit en outre indiquer \u00e0 son employeur quelle activit\u00e9 il a exerc\u00e9, montrer que c\u2019est l\u2019employeur lui-m\u00eame qui avait ordonn\u00e9 les heures suppl\u00e9mentaires, ou du moins qu\u2019il en avait connaissance et n\u2019y \u00e9tait pas oppos\u00e9.<\/p>\n\n\n\n Dans le cas d'esp\u00e8ce cependant, la situation juridique n'\u00e9tait pas claire. Le salari\u00e9, qui travaillait comme livreur pour une entreprise de commerce de d\u00e9tail, a saisi la justice pour demander le paiement de 348 heures suppl\u00e9mentaires. L\u2019entreprise utilisait un syst\u00e8me de saisie des temps<\/a> qui enregistrait les heures de d\u00e9but et de fin du travail, mais pas les temps de pause<\/a> pris par le salari\u00e9. L'employeur a contest\u00e9 les heures suppl\u00e9mentaires, arguant que le salari\u00e9 n'avait pas pris en compte ses temps de pause. Le salari\u00e9 a d\u00e9clar\u00e9 que les missions qu'il devait ex\u00e9cuter se suivaient si \u00e9troitement qu'il ne lui restait pas de temps pour prendre des pauses. S'il avait mang\u00e9 ou fum\u00e9, c\u2019\u00e9tait pendant ses heures de travail, sans interrompre son activit\u00e9.<\/p>\n\n\n\n Le tribunal du travail de Emden, saisi en premi\u00e8re instance, a donn\u00e9 raison au salari\u00e9 (r\u00e9f\u00e9rence du jugement : Arbeitsgericht Emden, 9.11.2020 - 2 Ca 399\/18 - BeckRS 2020, 48508<\/em>). Les juges ont fond\u00e9 leur d\u00e9cision sur le droit europ\u00e9en, en vertu duquel \u00ab les \u00c9tats membres doivent imposer aux employeurs l\u2019obligation de mettre en place un syst\u00e8me objectif, fiable et accessible permettant de mesurer la dur\u00e9e du temps de travail journalier effectu\u00e9 par chaque travailleur<\/em> \u00bb.<\/p>\n\n\n\n Concr\u00e8tement, le tribunal du travail s'est appuy\u00e9 sur l'arr\u00eat rendu par la Cour de justice de l\u2019Union europ\u00e9enne (CJUE) le 14 mai 2019 dans l'affaire C-55\/18 (CCOO c. Deutsche Bank SAE). Dans cet arr\u00eat, la CJUE a interpr\u00e9t\u00e9 la directive 2003\/88\/CE sur le temps de travail<\/a> de telle mani\u00e8re que les \u00c9tats membres devaient, dans le cadre de la transposition de cette directive, obliger les employeurs \u00e0 enregistrer syst\u00e9matiquement la totalit\u00e9 du temps de travail des salari\u00e9s, y compris les interruptions et les temps de pause. La CJUE a \u00e9galement d\u00e9duit cette obligation de l'article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'UE, qui vise \u00e0 garantir des conditions de travail saines, s\u00fbres et dignes dans tous les \u00c9tats membres.<\/p>\n\n\n\n Sur cette base, le tribunal du travail de Emden a donc raisonn\u00e9 comme suit : les employeurs sont tenus de mesurer, d'enregistrer et de contr\u00f4ler les heures de travail de leurs salari\u00e9s. Si un employeur ne remplit pas cette obligation, alors celle-ci sera port\u00e9e \u00e0 sa charge en cas de litige. L'absence de saisie des heures de travail constituerait une entrave \u00e0 la preuve de la part de l'employeur et entra\u00eenerait de facto un renversement de la charge de la preuve en faveur du salari\u00e9. Le salari\u00e9 aurait donc d\u00e9montr\u00e9 \u00e0 son employeur de mani\u00e8re concluante la r\u00e9alisation des heures suppl\u00e9mentaires et aurait document\u00e9 le d\u00e9but et la fin de chaque p\u00e9riode de travail gr\u00e2ce au syst\u00e8me de saisie des heures. Les heures suppl\u00e9mentaires furent donc suffisamment justifi\u00e9es.<\/p>\n\n\n\n Le tribunal du travail du Land de Basse-Saxe, saisi en appel (r\u00e9f\u00e9rence du jugement : LAG Niedersachsen, 6.5.2021 - 5 Sa 1292\/20 - BB 2021, 1977<\/em>), et la Cour f\u00e9d\u00e9rale du travail, saisi en cassation, n'ont pas partag\u00e9 l'avis du tribunal du travail de Emden.<\/p>\n\n\n\n En effet, le droit europ\u00e9en ne change rien \u00e0 la jurisprudence constante des tribunaux allemands, selon laquelle le travailleur doit prouver qu\u2019il a effectu\u00e9 des heures suppl\u00e9mentaires \u00e0 la demande de l\u2019employeur. En effet, l'arr\u00eat de la CJUE ne lie que les \u00c9tats membres, qui ont l\u2019obligation de mettre en place des dispositions en cons\u00e9quence. Il n\u2019en d\u00e9coule aucune obligation directe pour les employeurs en Allemagne. Contrairement \u00e0 ce que pr\u00e9cise l\u2019arr\u00eat du tribunal du travail d'Emden, la CJUE a certes une comp\u00e9tence sur les questions relatives \u00e0 la protection des travailleurs, comme le respect de la dur\u00e9e maximale du travail. Toutefois, elle ne d\u00e9tient aucune comp\u00e9tence r\u00e9elle sur les questions de r\u00e9mun\u00e9ration au final. La directive 2003\/88\/CE relative au temps de travail n'affecte pas la question de la charge de l\u2019argumentation (\u00ab Darlegungslast<\/em> \u00bb). Selon l'interpr\u00e9tation de la CJUE, cette directive, qui a \u00e9t\u00e9 adopt\u00e9e sur la base de l'article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'UE, vise exclusivement \u00e0 assurer la s\u00e9curit\u00e9 des travailleurs sur le lieu de travail ainsi que la protection de leur sant\u00e9. Par cons\u00e9quent, l'arr\u00eat C-55\/18 de la CJUE n'a aucune incidence sur la charge de l\u2019argumentation et de la preuve dans un proc\u00e8s relatif \u00e0 la r\u00e9mun\u00e9ration des heures suppl\u00e9mentaires en Allemagne. <\/p>\n\n\n\n Ainsi, en cas de litige sur la r\u00e9mun\u00e9ration des heures suppl\u00e9mentaires, la jurisprudence constante des plus hautes juridictions allemandes est maintenue. Pour les employeurs, cela garantit une s\u00e9curit\u00e9 juridique accrue. Si la Cour f\u00e9d\u00e9rale du travail avait valid\u00e9 le jugement de premi\u00e8re instance du tribunal du travail de Emden, les employeurs en Allemagne auraient probablement d\u00fb se pr\u00e9parer \u00e0 subir de nombreuses assignations en justice de la part de leurs salari\u00e9s.<\/p>\n\n\n\n Notre \u00e9quipe reste \u00e0 votre disposition pour toute question compl\u00e9mentaire \u00e0 ce sujet.<\/p>\n\n\n\n welcome@rechtsanwalt.fr<\/a><\/strong><\/p>\n\n\n\n