Allemagne : Adoption de la loi portant réforme de l’action révocatoire
Les partenaires commerciaux d’entreprises allemandes en crise, et également leurs salariés, se plaignent depuis des années de l’insécurité juridique qui résulte de l’action révocatoire telle qu’elle est prévue par le Code allemand régissant les entreprises en difficulté actuellement en vigueur. La réforme du droit des procédures collectives qui vient d’être adoptée par le Bundestag doit permettre de réduire les risques pour la vie économique des entreprises, notamment pour les partenaires commerciaux et les créanciers d’entreprises en difficulté, et de garantir un système simple et facile à mettre en œuvre afin d’établir un équilibre raisonnable entre les créanciers.
Selon les règles de droit actuellement en vigueur, l’administrateur judiciaire de toute entreprise allemande faisant l’objet d’une procédure collective dispose, postérieurement à l’ouverture de la procédure collective, de la possibilité de contester rétroactivement les paiements effectués par l’entreprise en difficulté au profit d’un créancier au cours des 10 années ayant précédé la survenance de ses difficultés de paiement.
- Cette possibilité de contestation existe dès lors que le créancier pouvait, au moment du paiement, déceler chez le débiteur des signes d’un état imminent d’insolvabilité, le seul fait d’accorder un paiement échelonné pouvant constituer un tel indice.
- La contestation entraîne systématiquement l’obligation pour le créancier de verser des intérêts sur la créance et ce rétroactivement à partir de l’ouverture de la procédure collective.
- Les créanciers devaient, en cas d’insolvabilité du débiteur et même si ce dernier les avait payés depuis des années déjà, tenir compte de ces risques dans leur bilan.
- Une certaine insécurité existe également du côté des salariés quant aux conditions dans lesquelles, par exemple, il peut leur être demandé de rembourser une rémunération qui leur a été versée avec retard et, dans ce cas, dans quelle mesure s’applique le « Bargeschäftsprivileg » (droit d’exclure de l’action révocatoire tout paiement du débiteur pour lequel il a reçu, en corrélation directe avec ce paiement, une prestation équivalente).
Quelles modifications la réforme votée apporte-t-elle en matière d’action révocatoire en Allemagne ?
La loi tout récemment adoptée vise à remédier à cette insécurité juridique et à rendre beaucoup plus prévisible, pour les partenaires commerciaux d’une entreprise en difficulté, toute action révocatoire entreprise par l’administrateur judiciaire contre un acte juridique du débiteur accompli dans l’intention de nuire à ses créanciers.
Les créanciers ayant accordé des facilités de paiement à leurs débiteurs ne doivent pas, à ce titre, être pénalisés en courant le risque d’une action révocatoire du seul fait de l’octroi de ces facilités de paiement.
Contrairement au projet de loi initial, l’administration fiscale et les organismes de sécurité sociale ne doivent pas bénéficier de privilèges. Le principe d’égalité entre les créanciers s’en trouve ainsi renforcé.
Aperçu des principaux changements :
- Le délai de contestation rétroactive pour les paiements effectués par l’entreprise allemande en difficulté avant l’ouverture de la procédure collective au profit d’un créancier passe de 10 à 4 ans.
- Si un créancier a reçu une prestation du débiteur pour laquelle il lui a directement fourni en retour une prestation équivalente, la transaction ne peut plus, en principe, être contestée par l’administrateur judiciaire allemand (« Bargeschäftsprivileg »). Il existe toutefois une exception à cette règle, à savoir si l’administrateur judiciaire peut rapporter la preuve que le débiteur a agi de manière « déloyale ».
- Le Bargeschäftsprivileg s’applique aussi aux prestations de travail fournies par des salariés dès lors que la période entre la fourniture des prestations de travail et le versement de leur rémunération correspondante n’excède pas 3 mois.
- Les paiements dits concordants, c’est-à-dire ceux auxquels le créancier avait un droit en vertu de l’acte juridique sur lequel ils reposent, ne peuvent plus être contestés par l’administrateur judiciaire qu’à la condition que le créancier ait eu connaissance de l’insolvabilité du débiteur au moment de la réception du paiement.
- En cas de convention de paiement échelonné, il est désormais présumé (avec possibilité de renverser cette présomption) que le créancier n’avait pas connaissance d’un risque d’insolvabilité ou de l’existence d’un état d’insolvabilité du débiteur.
- A l’avenir, les intérêts dus par le créancier de l’entreprise allemande en difficulté ne sont plus, à payer de manière rétroactive à compter de l’ouverture de la procédure collective, mais seulement à compter du retard de paiement (envoi par l’administrateur judiciaire d’un courrier de rappel).
Date d’entrée en vigueur des nouvelles règles allemandes en matière d’action révocatoire
La réforme s’appliquera à toutes les procédures collectives ouvertes après l’entrée en vigueur des nouvelles règles. Les nouvelles règles de calcul des intérêts doivent toutefois également s’appliquer aux procédures collectives déjà en cours.