Allemagne : Licenciement de salariés sur pression de tiers (tels que partenaires commerciaux ou administrations)
En l’absence de motif de licenciement, il existe encore parfois la possibilité de licencier un salarié sur la pression de tiers (« Druckkündigung »). L’employeur sur lequel un tiers exerce une telle pression licencie alors le salarié en question pour des raisons qui ne constituent pas, pour lui-même, un motif de licenciement. En Allemagne, un tel licenciement est uniquement possible dans des cas exceptionnels et limités. Par principe, l’employeur est tenu de protéger ses salariés.
En règle générale, un licenciement sur pression se caractérise par le fait que l’employeur se voit contraint de licencier l’un de ses salariés parce qu’un tiers le menace de préjudices s’il n’agit pas en ce sens. Ces tiers peuvent être des collaborateurs importants, qui menacent de démissionner si l’employeur ne se sépare pas d’un collègue, ou le personnel dans son ensemble, qui menace de se mettre en grève. Il peut également s’agir d’un client qui refuse d’accorder un marché à l’employeur.
Dans une décision de justice rendue à l’été 2016, la juridiction allemande saisie a considéré que les conditions pour pouvoir procéder à un licenciement sur la pression d’un tiers n’étaient pas réunies en l’état. Dans cette affaire, une administration financière américaine, à savoir le Département des services financiers de l’Etat de New-York (NYDFS), avait exigé de la Commerzbank en Allemagne qu’elle procède au licenciement de certains de ses collaborateurs (voir l’arrêt du tribunal supérieur du travail - LAG - du Land de Hesse : Hessisches LAG, jugement du 13.07.2016, 18 Sa 1498/15). Outre d’importantes pénalités, cette autorité financière avait en effet exigé le licenciement de plusieurs salariés de la banque au motif que des collaborateurs d’une agence allemande lui avaient dissimulé certains versements.
Le LAG a toutefois jugé que ces licenciements n’étaient pas justifiés selon le droit du travail allemand. En effet, les conditions jusque-là admises par la Cour fédérale du travail pour pouvoir procéder à un licenciement sous pression ne seraient pas réunies dès lors qu’une mesure administrative vise à punir et que cette punition est à appliquer par l’employeur. Le LAG ayant autorisé le pourvoi en cassation devant la Cour fédérale du travail (BAG), ce jugement n’est pas encore définitif.
Dans quels cas un licenciement sur pression se justifie-t-il selon la jurisprudence allemande ?
Dans des cas exceptionnels, la Cour fédérale du travail admet un licenciement sur pression d’un tiers comme licenciement pour motifs économiques (voir arrêt du BAG : jugement du 4.10.1990, 2 AZR 201/90). La condition requise pour pouvoir prononcer valablement un licenciement sur pression est la menace, émanant d’un tiers, d’importants préjudices pour l’employeur au cas où il ne procèderait pas au licenciement demandé. Les « tiers » potentiels peuvent être les collègues du salarié en question, des clients, d’autres partenaires commerciaux, le comité d’entreprise, un syndicat ou une institution publique. Pour qu’un licenciement exceptionnel (c’est-à-dire sans préavis) sur pression d’un tiers soit légitime, il faut que l’employeur soit menacé dans son existence ou tout au moins d’un important préjudice économique.
Par principe, les tribunaux exigent que l’employeur protège tout d’abord son salarié lorsqu’il n’existe de fait aucun motif de licenciement. Cela signifie qu’il doit d’abord tenter de convaincre son personnel ou le client du caractère inapproprié de la demande de licenciement. En cas d’échec, il doit, dans un deuxième temps, rechercher d’autres possibilités d’emploi pour le salarié en question. Cela peut être une mutation de poste ou une séparation géographique du salarié du/des tiers exerçant la pression.
A cet égard, il peut aussi être demandé au salarié concerné d’accepter de subir des inconvénients. C’est seulement après l’échec de ces possibilités et lorsque les autres salariés ont sérieusement menacé de démissionner, ou les clients de retirer le marché à l’employeur, qu’un licenciement sur pression peut se justifier.