Contentieux en Allemagne : Présentation de l’organisation judiciaire allemande
1. Comment se présente le système judiciaire allemand ?
A l’instar du système judiciaire français, le système judiciaire allemand se compose tout d’abord de la Juridiction de droit commun (ou Juridiction ordinaire) et de la Juridiction administrative. Cependant, cette dernière se définit de manière plus étroite qu’en France. En effet, il existe en Allemagne une Juridiction financière à part et une Juridiction sociale indépendante. De même, la Juridiction du travail ne fait pas partie de la Juridiction de droit commun, mais constitue une branche à part.
2. Comment est structurée la Juridiction du travail en Allemagne ?
Le Arbeitsgericht (tribunal du travail)
La Juridiction du travail allemande se compose de trois niveaux d’instance. Le premier degré est constitué par le Arbeitsgericht (tribunal du travail), l’équivalent du Conseil de Prud’hommes en France. La principale différence entre ces deux tribunaux est que, contrairement au Conseil de Prud’hommes, le Arbeitsgericht se compose uniquement de juges professionnels, ce qui leur confère une certaine neutralité par rapport aux juges en France qui sont soit des employeurs, soit des salariés.
Le Landesarbeitsgericht (tribunal supérieur du travail / Cour d’appel)
S’il est interjeté appel d’une décision rendue par le Arbeitsgericht, l’affaire est déférée en appel au Landesarbeitsgericht (tribunal supérieur du travail) compétent, l’équivalent de la Cour d’appel. Il s’agit d’une juridiction d’appel indépendante de la Juridiction de droit commun dans la mesure où, comme indiqué plus haut, contrairement à la France, la Juridiction du travail en Allemagne ne fait pas partie de la Juridiction de droit commun.
Le Bundesarbeitsgericht (Cour fédérale du travail / Cour de Cassation)
Enfin, au sommet, se trouve le Bundesarbeitsgericht (Cour fédérale du travail), juridiction de révision comparable à la Cour de Cassation. Cette Cour est compétente pour connaître des litiges jugés en appel, mais uniquement au regard de la bonne application du droit par les instances précédentes ; en aucun cas, elle ne statue sur le fond.
3. Comment est structurée la Juridiction de droit commun en Allemagne ?
La Juridiction allemande de droit commun ne se différencie pas énormément de la juridiction française, au niveau des degrés d’instance. Toutefois, l’organisation des différents tribunaux diffère.
Contrairement à la France, il n’existe pas en Allemagne de juge de proximité.
Le Amtsgericht (tribunal d’instance)
Au tout premier degré d’instance se trouve le Amtsgericht, équivalent du tribunal d’instance. En Allemagne, contrairement à la France, les affaires civiles et pénales ne sont pas jugées par des juridictions différentes, mais par une seule et même juridiction qui les défère aux différents juges uniques compétents. Le Amtsgericht dispose ainsi d’un large champ de compétences. En matière civile, il est non seulement compétent pour les litiges de droit commun d’une valeur inférieure ou égale à 5.000 € et pour d’autres procédures indépendamment de la valeur en litige (telles que les procédures collectives), mais également pour les procédures d’injonction de payer. Il est en outre chargé de la tenue du registre du commerce.
En matière pénale, il existe une compétence de principe du Amtsgericht dans les affaires pour lesquelles il n’y a pas lieu de s’attendre à une peine supérieure à 4 ans de privation de liberté ou au placement de l’inculpé dans un établissement psychiatrique ou dans un centre socio-médico-judiciaire de sûreté (« rétention de sûreté »).
A l’exclusion des affaires pour lesquelles il y a lieu de s’attendre à une condamnation à une amende ou à une peine d’emprisonnement inférieure ou égale à 2 ans, c’est à une formation collégiale appelée Schöffengericht (tribunal d’échevins), constituée au sein même du Amtsgericht, que revient la compétence judiciaire. Cette formation est composée d’un juge près le Amtsgericht, en qualité de Président, et de deux échevins, juges non professionnels élus par les juges près le Amtsgericht sur proposition des autorités de la commune.
Le Landgericht (tribunal de grande instance)
Dans l’ordre de juridiction vient ensuite le Landgericht. Il est l’équivalent du tribunal de grande instance français. Il se compose de chambres, dédiées aux différents domaines juridiques. En matière pénale, le Landgericht (Große Strafkammer, « Grande Chambre pénale ») connaît, en première instance, des crimes et délits graves pour lesquels il y a lieu de s’attendre à une condamnation à une peine de privation de liberté de 4 ans et plus. En outre, il est automatiquement compétent pour les affaires pénales dans lesquelles il convient de s’attendre à un placement de l’inculpé en rétention de sûreté ou dans un établissement psychiatrique. Les meurtres, homicides et autres violences ayant entraîné la mort sont jugés par un Schwurgericht, équivalent de la Cour d’assises.
En outre, en matière civile, le Landgericht est compétent pour connaître en première instance de tous les litiges d’une valeur supérieure à 5.000 € ainsi que des actions en responsabilité pour faute de l’Etat et des demandes en dommages et intérêts pour fausses informations relatives aux marchés des capitaux.
Au second degré, le Landgericht a une fonction de juridiction d’appel en ce qui concerne les jugements rendus en première instance tant en matière civile qu’en matière pénale.
Le Oberlandesgericht (tribunal régional supérieur / Cour d’appel)
Le Oberlandesgericht (tribunal régional supérieur) constitue le prochain degré d’instance. Il est la juridiction la plus élevée à l’échelle du Land et correspond à la Cour d’appel en France.
En matière civile, le Oberlandesgericht a, au second degré, une fonction de juridiction d’appel en ce qui concerne les jugements de première instance rendus par les Landgerichte et certaines oppositions formées contre des décisions rendues par les Amtsgerichte dans les affaires familiales ou de tutelle. Sa compétence s’étend en outre à la juridiction gracieuse.
En matière pénale, le Oberlandesgericht est compétent, en première instance, pour connaître des infractions d’atteintes à la sûreté de l’Etat et, en instance de révision, pour trancher les pourvois formés contre des jugements rendus par le juge pénal près le Amtsgericht et le Schöffengericht. En outre, le Oberlandesgericht casse les arrêts rendus en appel par le Landgericht et il joue un rôle de tribunal du contentieux pour les oppositions formées contre des décisions rendues par les chambres pénales et les chambres de l’exécution des peines au sein des Landgerichte. Par ailleurs, dans le cadre des plaintes de victimes avec constitution de partie civile (Klageerzwingungsverfahren), le Oberlandesgericht statue en matière judiciaire contre le rejet d’une demande par le ministère public.
Enfin, le Oberlandesgericht a une fonction de juridiction d’appel en matière de sanctions administratives, s’agissant des jugements et ordonnances rendus par les Amtsgerichte.
Le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice / Cour de Cassation)
L’instance suprême de la Juridiction de droit commun est le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice), l’équivalent de la Cour de Cassation. Il représente ainsi le plus haut degré de juridiction en matières civile et pénale. En matière pénale, le Bundesgerichtshof est l’instance de révision qui a à connaître des décisions rendues en première instance par les Landgerichte (Grande chambre pénale) et par les Oberlandesgerichte (atteintes à la sûreté de l’Etat).
En matière civile, le Bundesgerichtshof a également une fonction d’instance de révision à l’encontre des jugements au fond rendus en appel par les Landgerichte et les Oberlandesgerichte. Un pourvoi en cassation n’est toutefois possible que s’il est autorisé par la cour d’appel ou si la Cour fédérale de justice, saisie d’un recours contre le refus d’une instance inférieure d’autoriser le pourvoi, déclare ce dernier recevable a posteriori.
Dans l’ordre juridictionnel, le Bundesgerichtshof se situe au même niveau que les 4 autres Cours suprêmes (Bundesarbeitsgericht - Cour fédérale du travail -, Bundesfinanzhof - Cour fédérale des finances -, Bundessozialgericht - Cour fédérale du contentieux social -, Bundesverwaltungsgericht - Cour fédérale du contentieux administratif), c’est-à-dire qu’il ne peut s’affranchir de leurs interprétations du droit.
4. Quels tribunaux en Allemagne sont compétents pour connaître des litiges commerciaux ?
Contrairement à la France, il n’existe pas en Allemagne de tribunaux de commerce spéciaux. Sont qualifiées de litiges commerciaux en Allemagne certaines affaires relevant du droit commercial qui portent sur les relations juridiques entre professionnels. Les litiges répondant à cette définition sont précisés à l’article 95 de la loi allemande sur l’organisation judiciaire (Gerichtsverfassungsgesetz). Font notamment partie de la liste les litiges entre commerçants, certaines affaires (même internes) concernant les sociétés commerciales, les affaires de concurrence et les litiges cambiaires ou relatifs à l’usage de chèques.
Le Landgericht - chambre commerciale
Comme en matière civile, le Landgericht est compétent en matière commerciale pour connaître des litiges d’une valeur supérieure ou égale à 5.000 €. La particularité dans ce domaine est que certains Landgerichte disposent de leur propre chambre commerciale. Cependant, la chambre commerciale ne statue que sur requête des parties.
La chambre commerciale du Landgericht peut aussi statuer en appel si une décision rendue par le Amtsgericht dans une affaire commerciale d’une valeur inférieure à 5.000 € est attaquée.
Si elle existe, la chambre commerciale du Landgericht est composée d’un juge professionnel et de deux juges consulaires non professionnels, nommés pour 5 ans par le Ministère de la justice du Land, sur proposition de la chambre de commerce et d’industrie.
Tous les juges siégeant au sein d’une chambre commerciale disposent chacun d’une voix. Ils sont donc légalement titulaires des mêmes droits.
Le degré d’instance suivant se présente comme celui de la Juridiction de droit commun en matière civile.
5. Quels sont les différents degrés de juridiction dans le cadre des procédures collectives ?
En matière de procédures collectives, la compétence exclusive est attribuée au Amtsgericht dans le ressort duquel un Landgericht a son siège (article 2 du Code allemand des entreprises en difficulté - Insolvenzordnung), et ce pour le district dudit Landgericht. La compétence territoriale est attribuée au tribunal de la commune du domicile du débiteur. Il peut être dérogé à cette règle si le domicile du débiteur ne coïncide pas avec le centre de ses activités économiques. Dans ce cas, c’est le tribunal du lieu où se situe le centre des activités économiques du débiteur qui est territorialement compétent.
Comme en matière civile, un recours peut être formé devant la juridiction directement supérieure, à savoir le Landgericht compétent.
La prochaine instance se déroule d’une manière analogue à celle de la justice civile.
6. Auprès de quelles autorités puis-je obtenir des renseignements sur des procédures collectives en cours en Allemagne ?
Tout un chacun peut se renseigner gratuitement sur les publicités effectuées dans le cadre de procédures collectives en cours via un site internet centralisé au niveau fédéral : http://www.insolvenzbekanntmachungen.de .
7. Où sont tenus les registres du commerce en Allemagne (« Registergericht »)?
„Registergericht“ est l’appellation allemande utilisée pour désigner les Amtsgerichte dans leurs fonctions de tribunaux chargés de la tenue du registre du commerce, du registre des coopératives et - à l’exception du Bade-Wurttemberg - du Livre foncier (en tant que registre cadastral).
Il existe une distinction entre d’une part la tenue du registre du commerce et du registre des coopératives et d’autre part la tenue du registre des associations et des registres matrimoniaux ainsi que du Livre foncier.
Les registres du commerce et des coopératives
Les registres du commerce et des coopératives sont en règle générale tenus par le Amtsgericht qui se situe dans le ressort du siège du Landgericht compétent.
Les registres spéciaux
Les registres des associations et les registres matrimoniaux ainsi que le Livre foncier, quant à eux, sont tenus par le Amtsgericht territorialement compétent.
Dans certains Länder, tels que le Bade-Wurttemberg, la compétence territoriale répond en partie à d’autres règles.
De plus, il existe de nombreuses exceptions applicables à des registres spéciaux. Ainsi par exemple, le casier judiciaire central allemand (Bundeszentralregister) ainsi que le registre central allemand des entreprises industrielles et commerciales (Gewerbezentralregister) sont tenus par l’Office fédéral de la Justice (Bundesamt für Justiz), à son siège à Bonn.
Il existe d’autres particularités en ce qui concerne le registre maritime, qui est tenu par le Amtsgericht du port d’origine.
Les degrés de juridiction sont, par analogie, les mêmes qu’en matière civile.
8. Où puis-je obtenir des renseignements sur le registre du commerce allemand (extrait Kbis allemand) ?
Comme en France avec le site internet „société.com“, des extraits Kbis allemands et d’autres publications peuvent être téléchargés, moyennant paiement, sur le site internet centralisé : www.handelsregister.de
(version en langue française : https://www.handelsregister.de/rp_web/welcome.do?language=fr&sec_ip=217.28.97.40).
9. Comment est structurée la Juridiction financière en Allemagne ?
En France, c’est devant la Juridiction administrative que sont portées les affaires fiscales puisque l’action est dirigée contre l’Etat. En Allemagne, en revanche, la Juridiction financière forme une juridiction à part entière indépendante et le Bundesfinanzhof (Cour fédérale des finances, en abrégé « BFH ») constitue l’un des 5 tribunaux fédéraux suprêmes.
Les Finanzgerichte (tribunaux des finances)
Les Finanzgerichte (tribunaux des finances) tranchent les litiges entre les administrations et les contribuables, et notamment tous les litiges de droit public portant sur les impôts et taxes. Ils ne sont pas compétents pour connaître des litiges en matière de droit pénal fiscal et de pénalités administratives.
La Juridiction financière allemande se compose de deux degrés d’instance.
Le tribunal compétent au premier degré est le Finanzgericht (tribunal des finances) du Land. Il s’agit d’un tribunal spécialisé qui connaît des litiges d’ordre fiscal. Les Finanzgerichte sont des tribunaux supérieurs régionaux. Ils constituent le premier et unique degré de juridiction de fond. Les décisions rendues par le Finanzgericht ne peuvent être attaquées que dans le cadre d’un pourvoi formé devant le Bundesfinanzhof (Cour fédérale des finances).
Le Bundesfinanzhof (Cour fédérale des finances)
Le Bundesfinanzhof correspond au second et ultime degré de juridiction en matière fiscale. Pour garantir l’unité de la jurisprudence, les juges de la Grande chambre (Großer Senat) statuent, de manière théorique, sur la question de droit qui leur est posée.
10. Comment est structurée la Juridiction sociale en Allemagne ?
La Juridiction sociale en Allemagne constitue également une juridiction indépendante qui, contrairement au système français, ne rentre pas dans le champ de compétences de la Juridiction administrative. Elle se compose de 3 degrés d’instance.
Le Sozialgericht (tribunal du contentieux social)
La première instance est constituée par le Sozialgericht (tribunal du contentieux social), dont les prérogatives sont assurées en France, de manière équivalente, par le tribunal administratif.
La compétence des Sozialgerichte (tribunaux du contentieux social) découle d’une liste des différentes affaires de droit social énumérées dans la loi allemande relative à l’organisation des juridictions des affaires sociales (Sozialgerichtsgesetz). Cette liste comporte typiquement les litiges dans les domaines suivants : assurances retraite, maladie, accidents, dépendance ainsi que certains domaines concernant les indemnités chômage (indemnités chômage appelées « Arbeitslosengeld II », assurant un revenu minimum aux personnes sans emploi à longue durée).
Les décisions rendues en première instance peuvent faire l’objet d’un appel, formé devant le Landessozialgericht (tribunal supérieur du contentieux social). En France, ces affaires relèvent du champ de compétences des cours administratives d’appel.
Le Bundessozialgericht (Cour fédérale du contentieux social)
Enfin, au sommet, le Bundessozialgericht (Cour fédérale du contentieux social) se prononce sur la régularité du droit appliqué dans le cadre d’appels interjetés contre des décisions rendues en première instance. Par ailleurs, le Bundessozialgericht est compétent pour connaître, en première instance et en dernier ressort, des litiges ne relevant pas du droit constitutionnel opposant le Bund et les Länder ou des litiges opposant différents Länder entre eux dans le cadre d’affaires relevant de la Juridiction sociale.
11. Comment est structurée la Juridiction administrative en Allemagne ?
La Juridiction administrative fait également partie des 5 juridictions existant en Allemagne. Elle se compose également de 3 degrés d’instance et correspond, s’agissant de sa structure, à l’ordre administratif français, qui est constitué du tribunal administratif, de la cour administrative d’appel et du Conseil d’Etat.
Le Verwaltungsgericht (tribunal administratif)
Le premier degré de juridiction est le Verwaltungsgericht (tribunal administratif).
Les Verwaltungsgerichte connaissent des litiges de droit public ne relevant pas du droit constitutionnel, pour autant qu’ils ne soient pas attribués par la loi à une autre juridiction – comme par exemple la juridiction sociale ou financière.
Le Oberverwaltungsgericht (Cour administrative d’appel)
Au second degré, le Oberverwaltungsgericht (aussi appelé Verwaltungsgerichtshof en Bavière, en Hesse et au Bade-Wurttemberg) statue en tant que cour administrative d’appel sur les voies de recours formées à l’encontre des décisions rendues en première instance. En outre, ce tribunal est compétent en première instance dans les procédures de contrôle des normes. A l’exception des Länder de Berlin et du Brandenbourg, qui disposent d’un Oberverwaltungsgericht en commun, chaque Land dispose de son propre tribunal administratif supérieur.
Enfin, le Bundesverwaltungsgericht (Cour fédérale administrative) statue en dernière instance. Il est une juridiction de révision, mais statue également en première instance sur certaines affaires, précisées dans les textes de loi.
12. Comment savoir rapidement quel tribunal en Allemagne est territorialement compétent ?
En Allemagne, il est possible de consulter un répertoire des juridictions territorialement compétentes sur un site internet centralisé des différentes autorités judiciaires (http://www.justiz.de/OrtsGerichtsverzeichnis/index.php).
Une fois saisis le code postal ou la commune en question, on accède rapidement aux informations suivantes : adresse, numéros de téléphone et de fax, adresse de messagerie électronique et site internet de l’autorité territorialement compétente.
Ce répertoire est également disponible en langue anglaise en cliquant sur : http://en.justiz.de/OrtsGerichtsverzeichnis/index.php .
13. Quelle est la fonction du Bundesverfassungsgericht comparé au Conseil constitutionnel ?
L’organisation ainsi que les missions et fonctions du Conseil constitutionnel et du Bundesverfassungsgericht (tribunal constitutionnel fédéral, « BVerfG ») sont fondamentalement différentes.
Si ces juridictions statuent toutes les deux sur la constitutionnalité des lois, le Conseil constitutionnel en France statue uniquement soit dans le cadre d’un contrôle préventif d’ordre purement théorique, soit, depuis 2008, dans le cadre de ce que l’on appelle une « question préjudicielle ».
En Allemagne, en revanche, il existe beaucoup plus de types de procédures. Cela est dû au fait que les deux juridictions susvisées ont été constituées dans des optiques bien différentes. Tandis qu’en France, la volonté était de restreindre largement les pouvoirs conférés aux magistrats, en Allemagne, on a adopté la voie contraire en donnant au Bundesverfassungsgericht une position de force. Ainsi, ce dernier joue un double rôle, d’une part en tant qu’organe constitutionnel et, d’autre part, en tant qu’organe de l’autorité judiciaire de l’Etat.
Même si le Bundesverfassungsgericht casse les décisions rendues par d’autres tribunaux, il n’appartient pas à l’ordre de juridiction. Il examine de manière théorique si les décisions rendues sont conformes à la Loi fondamentale (Grundgesetz). A défaut, la décision est annulée et renvoyée aux tribunaux spécialisés compétents.
Il convient de distinguer différents types de procédures devant le Bundesverfassungsgericht.
La Verfassungsbeschwerde (recours constitutionnel)
Le premier type de procédure est ce que l’on appelle la Verfassungsbeschwerde. Il s’agit d’un recours constitutionnel. Cela signifie que quiconque s’estime lésé dans ses droits fondamentaux par une action de l’Etat peut former un recours individuel. Cette possibilité est également offerte aux personnes morales, mais uniquement si elles font valoir des droits fondamentaux qui, de par leur nature, leur sont également applicables.
Le droit français ignore le concept de recours individuel. Depuis 2008, il existe toutefois la possibilité de poser une question préjudicielle au Conseil constitutionnel. Celle-ci doit cependant passer par un double filtre. Dans un premier temps, le juge de première instance statue sur la faculté de poser une telle question au Conseil constitutionnel (premier filtre) et, dans l’affirmative, la question est examinée une nouvelle fois, en fonction de la nature de l’affaire, soit par la Cour de cassation, soit par le Conseil d’Etat (second filtre), avant d’être finalement transmise au Conseil constitutionnel.
Le konkrete Normenkontrolle (contrôle des normes par voie d’action)
Un autre type de procédure est le konkrete Normenkontrolle, c’est-à-dire le contrôle des normes par voie d’action. Cette procédure est utilisée si un tribunal spécialisé considère qu’une loi applicable à l’échelle du Bund est incompatible avec la Loi fondamentale ou si la loi d’un Land est incompatible avec le droit fédéral. Dans ce cas, le Bundesverfassungsgericht est saisi pour un contrôle incident des lois dans la mesure où seul ce dernier est habilité à prononcer l’anticonstitutionnalité de certaines lois. En outre, il est compétent pour décider d’appliquer une loi ou d’en écarter l’application, c’est-à-dire que, si une loi est incompatible avec la constitution d’un Land, cette loi est soumise au tribunal du Land compétent.
Le système français ne connaît pas un tel contrôle des normes par voie d’action.
Le abstrakte Normenkontrolle (contrôle préventif théorique)
Il existe en revanche des similitudes entre les systèmes français et allemand en ce qui concerne le contrôle des normes par voie d’exception (abstrakte Normenkontrolle). Ce dispositif existe également en France, sous la forme d’un contrôle préventif théorique.
Grâce à une telle procédure, le gouvernement du Land ou le gouvernement fédéral ou bien encore un quart des membres du Bundestag peuvent saisir le Bundesverfassungsgericht pour que ce dernier contrôle des lois ou des traités internationaux adoptés à la majorité.
Le Organstreit et le Bund-Länder-Streit (litige entre des institutions de l’Etat et litige entre le Bund et les Länder)
Pour finir, il convient d’évoquer le Organstreit et le Bund-Länder-Streit. Il s’agit, pour le premier, d’un litige entre des institutions de l’Etat et, pour le second, d’un litige entre le Bund et les Länder portant sur les droits et obligations découlant de la Loi fondamentale.
Remarque : Du fait de la structure même de la République Fédérale d’Allemagne, constituée sous la forme d’une fédération, chaque Land fédéré dispose de sa propre constitution dont l’interprétation est confiée aux Landesverfassungsgerichte (cours constitutionnelles régionales).