Droit de cogestion du comité d’entreprise en Allemagne – réouverture des entreprises suite à la crise du coronavirus
En Allemagne, le comité d’entreprise dispose de droits de cogestion étendus et participe ainsi à un grand nombre de décisions de l'entreprise. Selon une décision récemment rendue par le tribunal du travail de Hamm, il ne peut toutefois pas valablement exiger de l'employeur qu'il ferme son entreprise jusqu’à ce qu'une évaluation des risques ait été réalisée conformément à l'ordonnance « SARS-CoV-2-Arbeitsschutzstandard » publiée par le ministère fédéral allemand du travail concernant les normes de sécurité à respecter face aux risques liés au coronavirus. En effet, selon le tribunal, cette ordonnance ne constitue pas une mesure relevant des dispositions légales en matière de protection de la santé ou de prévention des accidents au sens de la loi allemande sur l'organisation sociale des entreprises (Betriebsverfassungsgesetz, BetrVG). Or, ce n'est que dans ce cadre que le comité d'entreprise est fondé à exercer son droit de codécision (voir décision du tribunal du travail de Hamm, 4.5.2020 – 2 BVGa 2/20, BeckRS 2020, 14292).
Dans l’affaire ainsi jugée, l'employeur exploitait un commerce de détail dans un centre commercial. Le 9 avril 2020, en raison des restrictions liées à la pandémie de COVID-19, il avait conclu avec le comité d'entreprise un accord sur l'introduction du régime de l'activité partielle, valable jusqu'au 31 mai 2020. Le commerce avait ensuite été fermé jusqu'à nouvel ordre.
Ayant décidé sa réouverture dès le 28 avril 2020, l'employeur avait établi un planning en attribuant aux salariés des horaires de travail, sans l'autorisation préalable du comité d’entreprise. À cette date, il n'avait pas encore mis en œuvre au sein de son établissement les normes de sécurité « SARS-CoV-2-Arbeitsschutzstandard », publiées par le ministère fédéral du travail le 16 avril 2020.
Le comité d'entreprise avait alors introduit une demande en référé à l'encontre de l'employeur visant à
- lui interdire d'imposer des horaires de travail aux salariés sans son accord,
- lui interdire d’ouvrir son commerce tant que l’accord d'entreprise sur l'activité partielle était en vigueur, et
- le contraindre à laisser son commerce fermé jusqu’à la signature d’un accord d’entreprise sur la réalisation d'une évaluation des risques conformément aux normes de sécurité nouvellement entrées en vigueur.
Dans sa décision, le tribunal du travail de Hamm a reconnu au comité d'entreprise le droit d'exiger de l'employeur l’application de l’accord d'entreprise sur l'activité partielle, avec pour conséquence l'interdiction faite à ce dernier d'imposer des horaires de travail aux salariés sans l'accord exprès du comité d’entreprise. Le tribunal a en outre rappelé qu'en vertu de la loi allemande sur l’organisation sociale des entreprises, le comité d'entreprise avait en tout état de cause le droit de faire cesser tout acte de l'employeur constituant un trouble, à savoir, en l'espèce, le droit d'exiger de l'employeur qu'il s'abstienne d'imposer des horaires de travail à des salariés représentés par le comité d’entreprise, sans l’accord préalable de ce dernier.
En revanche, selon la décision du tribunal, le comité d’entreprise n’est aucunement en droit d’exiger la fermeture du commerce jusqu’à la conclusion d’un accord d’entreprise sur la réalisation d'une évaluation des risques conformément à l'ordonnance « SARS-CoV-2-Arbeitsschutzstandard ». En effet, ce texte n’entre pas dans le cadre des mesures de protection de la santé au sens de l’art. 87, alinéa 1, n° 7 de la loi allemande sur l’organisation sociale des entreprises et, par ailleurs, il ne prévoit pas la fermeture de l’entreprise jusqu’à la conclusion d'un accord entre l'employeur et le comité d'entreprise.
Enfin, pour le surplus également, le comité d'entreprise n'a pas le droit d'exiger la fermeture de l'établissement. Si, en vertu de l’accord d’entreprise sur l'activité partielle, l’employeur était tenu d’obtenir l’accord préalable du comité d’entreprise pour faire revenir ses salariés au travail, rien ne l’empêche de faire temporairement appel à des « tiers », non soumis à son pouvoir de direction et qui ne sont pas représentés par le comité d'entreprise.
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