Droit du travail en Allemagne : L’employeur est tenu d’informer activement le salarié de son solde de jours de congés non pris
Les employeurs en Allemagne doivent désormais activement inviter leurs salariés à poser les jours de congés qu’il leur reste en leur rappelant qu’à défaut, ces jours de congés seront perdus. C’est ce qui ressort d’un arrêt de la Cour fédérale allemande du travail par lequel elle a transposé le droit européen en la matière.
En Allemagne, contrairement à la France, la période légale de prise des congés est l’année civile. Ainsi, les salariés outre-Rhin doivent en principe avoir soldé leurs congés au plus tard à la fin de l’année, sous peine de perdre leurs droits.
Aux termes de l’arrêt de la Cour fédérale rendu récemment en la matière, les employeurs sont tenus d’informer leurs salariés « de manière claire et suffisamment à l’avance » de leur solde de jours de congés non pris.
L’article 7 alinéa 3 phrase 1 de la loi fédérale sur les congés payés (Bundesurlaubsgesetz) prévoit que les congés non accordés et non pris jusqu’à la fin de l’année sont perdus. Auparavant, selon la jurisprudence allemande, cela s’appliquait même dans le cas où le salarié a fait une demande de congés en temps voulu auprès de l’employeur mais qu’il n’a pas obtenu l’accord de ce dernier.
Désormais, le droit du salarié à congés payés s’éteint en règle générale à la fin de l’année civile uniquement si l’employeur a informé le salarié, au préalable et de manière concrète, de son solde de jours de congés et des délais de forclusion et si, en dépit de cela, le salarié n’a pas pris ses congés de sa propre initiative. En conséquence, tout employeur allemand a l’obligation d’informer son personnel clairement et suffisamment à l’avance de ce que les droits à congés payés seront perdus à la fin de la période de référence (soit l’année civile) ou de la période de report (en Allemagne, généralement jusqu’au 31 mars de l’année N + 1) si le salarié ne prend pas ses congés.
Quand un employeur allemand doit-il informer ses salariés de leur solde de jours de congés non pris ?
Les juges fédéraux n’ont pas encore statué sur la question de savoir quand cette information est concrètement réputée être intervenue suffisamment à l’avance. En tout état de cause, cette information doit intervenir suffisamment tôt pour que le congé restant puisse encore être pris en totalité dans la période comprise entre le moment de l’information et la date d'expiration du délai de prise des congés.
Que doit contenir l’information des salariés et sous quelle forme doit-elle intervenir ?
Selon la jurisprudence de la Cour fédérale allemande du travail, l’obligation d’information est remplie dès lors que l’employeur adresse au salarié, en début d’année civile, un courrier
- lui indiquant son solde de congés payés,
- lui demandant de poser ses congés annuels en temps voulu afin de pouvoir les prendre durant l’année en cours,
- l’informant des conséquences d'une demande de prise des congés payés qui interviendrait en méconnaissance de ces modalités.
Quelles sont les conséquences du non-respect de l'obligation d'information ?
Si l'employeur ne satisfait pas aux exigences de la jurisprudence, le congé non pris au 31 décembre de l’année de référence est ajouté au droit à congés naissant le 1er janvier de l'année suivante.
Ceci s'applique d’après la jurisprudence récente - et contre la jurisprudence antérieure des tribunaux du travail allemands - également aux droits à congés payés des années précédentes.
Comment les employeurs allemands doivent-ils désormais agir concrètement ?
Pour éviter le cumul de droits à congés payés sur plusieurs années, l’employeur peut rattraper son obligation d’information pour les congés des années précédentes durant l’année en cours.
- Si les employeurs n'ont pas encore mis en oeuvre les règles posées par la jurisprudence sur l'obligation d’information, de sorte que les salariés disposent d’éventuels droits résiduels à congés au titre des années précédentes, il faudrait en tout état de cause se rattraper cette année. Il ne faut pas tarder afin de s’assurer que les salariés soient effectivement en mesure de bénéficier de leurs congés payés avant la fin de l'année en cours.
- A partir de 2020, l'information et l’invitation des salariés à solder leurs jours de congés doivent intervenir au début de chaque année.
Précisions :
1) L'employeur doit demander individuellement à chaque salarié de prendre le congé auquel il a personnellement droit. L'information doit se rapporter à un droit à congés payés précis pour une année donnée. Des informations abstraites, par exemple dans une circulaire générale adressée à tous les salariés, dans le cadre du contrat de travail, d’une fiche d'information ou d’un accord d'entreprise, ne sont pas suffisantes selon la jurisprudence pertinente de la Cour fédérale allemande du travail. La Cour fédérale allemande du travail encourage les employeurs à préciser dans leur lettre d’information le nombre de jours ouvrés de congés auxquels chaque salarié a droit au titre de l'année civile en cours. Les employeurs doivent donc adapter leurs lettres d'information individuellement pour chaque année et chaque salarié.
2) Une invitation écrite à solder les jours de congés suffit. Elle peut, par exemple, être envoyée par mail. Le mail correspondant devrait être marqué comme « important » dans Outlook et accompagné d'une confirmation de lecture. Si aucune confirmation de lecture n'est reçue, une confirmation de réception explicite devra être demandée.
3) L’invitation à solder les jours de congés adressée à chaque salarié est considérée comme étant intervenue en temps utile lorsque le salarié est en mesure de prendre effectivement les congés restants de l'année en cours.
4) Les exigences en matière d'information « claire » sont satisfaites lorsqu’il est indiqué que le congé expire généralement à la fin de l'année civile dès lors que le salarié a bien été mis en mesure de prendre son congé au cours de l'année civile mais qu'il n'en fait pas la demande.
5) L'employeur ne peut refuser les demandes de congés des salariés pour des raisons autres que celles spécifiées dans la loi fédérale sur les congés payés (raisons urgentes inhérentes à l'entreprise ou demandes de congés prioritaires émanant d'autres salariés) ni empêcher les salariés de demander à prendre leurs congés.
6) Les employeurs allemands devraient documenter soigneusement les jours de congés pris et, en particulier, les jours non encore pris. Afin de pouvoir justifier d’une information en bonne et due forme, il conviendrait de la consigner par écrit et d’obtenir des salariés des accusés de réception correspondants.