Droit du travail en Allemagne : Que se passe-t-il lorsqu’un salarié ne prend pas ses jours de congés annuels dans les temps ?
Au sein des entreprises allemandes, un certain nombre de sujets délicats se sont cristallisés autour de la question des congés payés, tels que le gel des congés, le décompte des congés ou les congés en cas de maladie. Mais que dit la loi si un salarié allemand ne prend pas ses congés payés dans les temps ? Les congés non pris sont-ils perdus ou l’employeur doit-il veiller à ce que ses salariés prennent effectivement leurs congés ?
En Allemagne, la loi prévoit que les salariés travaillant 5 jours par semaine ont droit à 20 jours de congés payés au minimum par an, soit 4 semaines (art. 3 BUrlG - loi allemande sur les congés payés obligatoires).
Cependant, en pratique, au sein des entreprises, la durée minimale légale des congés payés ne joue pratiquement aucun rôle. La quasi-totalité des conventions collectives et une grande majorité des accords individuels conclus dans le cadre des contrats de travail allemands prévoient des congés payés au-delà du minimum légal. Dans un grand nombre d’entreprises allemandes, il est tout à fait habituel d’accorder entre 25 et 30 jours de congés payés par an.
Quand les congés payés doivent-ils être pris et quand un salarié est-il déchu de ses droits ?
Selon la loi allemande sur les congés payés, les congés annuels doivent en principe être pris durant l’année civile en cours (art. 7 al. 3 BUrlG). Ainsi, ce n’est qu’à certaines conditions, qu’il est possible de reporter les congés annuels sur l’année suivante.
Un usage interne dérogatoire ainsi que des raisons impératives liées à l’entreprise ou à la personne du salarié peuvent justifier un report de congés payés sur l’année qui suit.
Des raisons impératives liées à l’entreprise pourraient être par exemple :
- des commandes saisonnières ou devant être honorées dans un délai prescrit,
- des problèmes techniques ou administratifs de fonctionnement de l’entreprise.
Des raisons impératives liées à la personne du salarié pourraient être par exemple :
- l’incapacité de travail,
- la maladie d’un proche nécessitant des soins,
- la maladie du conjoint avec qui le salarié avait prévu de partir en vacances.
En cas de report de congés sur l’année suivante, les congés payés doivent être pris dans les trois premiers mois de l’année civile suivante (jusqu’au 31 mars). A défaut, le salarié perd en principe définitivement ses droits à congés.
Les exceptions à ce principe concernent par exemple les salariés en congé maternité ou en congé parental.
Remarque : La loine permet pas aux employeurs allemands d’accorder des congés par anticipation d’une année sur l’autre. Un tel octroi de jours de congés n’entraîne pas l’extinction des droits au titre de l’année qui suit.
Quand la responsabilité de l’employeur est-elle engagée au titre de jours de congés payés non pris ?
Si un salarié n’a pas fait valoir ni consommé ses droits à congés payés durant l’année de référence ou, en cas de report autorisé, durant les trois premiers mois de l’année suivante, il est déchu de ses droits, aussi bien au titre du temps de repos que de la compensation financière de ses congés.
Selon l’ancienne jurisprudence du BAG (Cour fédérale allemande du travail), le salarié a uniquement droit à une indemnité pour congés payés non pris s’il a fait valoir à temps ses congés mais que l’employeur a refusé de les lui accorder de manière intentionnelle ou par négligence.
La Cour d’appel de Berlin compétente en matière prud’homale a dérogé à cette jurisprudence par un arrêt datant de 2014. Les juges ont considéré que la responsabilité de veiller à ce que les salariés prennent leurs congés payés dans les temps incombait aux seuls employeurs. L’employeur allemand a la charge d’octroyer au salarié des droits à congés payés comparables aux temps de repos attribués aux salariés par la loi. S’il ne remplit pas cette obligation et que cela engendre une perte de droits aux congés payés, les salariés peuvent faire valoir des dommages et intérêts.
Dans la pratique, les entreprises doivent alors veiller activement à ce que l’ensemble de leurs salariés prennent leurs congés dans les temps. Si d’autres tribunaux compétents en matière de droit du travail ou même la Cour fédérale allemande du travail devaient suivre cette opinion dans l’avenir, les employeurs peuvent s’attendre à des demandes de dommages et intérêts de la part de leurs salariés en cas de perte de congés payés.
Par conséquent, il conviendrait que tout employeur veille à ce que ses salariés ne soient pas déchus de leurs droits à congés payés.
Est-il possible de reporter les congés annuels lorsqu’un salarié est en arrêt-maladie prolongé?
En Allemagne, l’employeur se voit notamment confronté à des problèmes si un salarié est en arrêt-maladie prolongé. Pour ce cas de figure, un arrêt de la Cour de Justice de l’Union Européenne a instauré la règle suivante : si un salarié n’est pas en mesure de prendre ses congés payés jusqu’à la fin de la période de report (le 31 mars de l’année suivante) en raison d’une incapacité de travail, les droits aux congés payés subsistent dans un premier temps sous forme de jours de repos. Le salarié est déchu de ses droits en matière de congés annuels (20 jours par an au minimum) seulement 15 mois après expiration de l’année de référence (CJUE, 22.11.2011, C-214/10). En cas de départ de l’entreprise du salarié malade, ceci peut avoir des conséquences considérables sur ses droits à congés payés. Cette période de 15 mois s’applique également si l’incapacité de travail du salarié perdure, sans interruption, au-delà de cette période (Cour fédérale du travail, 18.09.2012, 9 AZR 623/10).
Indépendamment de cela, les contrats de travail et conventions collectives peuvent régler librement les droits à congés payés et les indemnités compensatrices de congés payés dépassant le minimum légal de 20 jours de congés payés par an. Il peut être prévu par convention collective de reporter les congés sur le premier trimestre de l’année consécutive sans soumettre le report à une condition particulière. De même, il peut être prévu que le salarié soit déchu de ses jours de congé non pris.