Employeur ou donneur d’ordre en Allemagne: Activité indépendante fictive ou activité non salariée ?
Tout employeur en Allemagne a l’obligation de vérifier si les collaborateurs auxquels il fait appel ont l’obligation de s’affilier à la sécurité sociale ou pas. Il en va de même pour les donneurs d’ordre qui doivent vérifier le statut de leurs preneurs d’ordre au regard de la sécurité sociale. Pour les donneurs d’ordre, il est difficile de cerner les limites entre une activité salariée et une activité indépendante et d’identifier correctement la nature de la relation de travail. Dans le cas d’un travail indépendant fictif, l’activité indépendante est simulée par l’emploi dans le contrat de termes allant dans ce sens. Mais en réalité, il s’agit bien d’une activité professionnelle salariée.
Toute personne exerçant une activité salariée contre versement d’une rémunération est obligatoirement soumise à l’obligation d’affiliation et de cotisation à la sécurité sociale (assurances maladie, dépendance, retraite et chômage). En Allemagne, les indépendants sont, à quelques exceptions près, exclus de cette réglementation. Il convient donc de bien faire la distinction entre une activité indépendante et une activité salariée, en appliquant certains critères de différenciation.
Les donneurs d’ordre allemands ont tout intérêt à connaître et à appliquer ces critères. Si, à titre d’exemple, un agent de la caisse allemande de retraite constate, a posteriori, que les collaborateurs externes travaillant pour le compte d’une entreprise sont en réalité des indépendants fictifs, cela peut coûter très cher à l’entreprise, notamment si des arriérés de cotisation lui sont réclamés pour plusieurs années et que des pénalités de retard sont en outre appliquées. De plus, l’entreprise (qui a alors le statut d’employeur) doit souvent supporter la part salariale des charges sociales puisqu’elle ne peut retenir sur le salaire de l’intéressé rétroactivement que 3 mois de charges, et uniquement si l’emploi est toujours actuel.
Quelles sont les caractéristiques d’une activité non salariée selon le droit allemand ?
En droit allemand, est réputé exercer une activité indépendante quiconque est libre de prendre des décisions entrepreneuriales. Le travailleur indépendant supporte le risque lié à son activité, il travaille pour son propre compte et en son propre nom, tire lui-même profit des opportunités commerciales et peut faire la promotion de son activité. C’est lui qui supporte les risques liés à son engagement financier et personnel et il ne dépend pas de tiers, ces derniers ne pouvant lui donner d’instructions. Le travailleur indépendant organise librement son activité et décide de ses horaires et de son lieu de travail, ce qui n’est pas le cas pour une activité indépendante fictive.
Dans le cadre d’une activité salariée en revanche, il existe un certain nombre d’obligations qui donnent au cocontractant (donneur d’ordre, employeur) des moyens de direction et de contrôle auxquels un véritable indépendant ne doit pas se soumettre. La relation de travail se distingue par le degré d’autonomie personnelle dont le collaborateur dispose effectivement pour accomplir ses missions.
Dans quels cas une activité indépendante fictive soumise à cotisations sociales existe-t-elle en Allemagne ?
L’existence d’une activité soumise à cotisations sociales est, à titre d’exemple, présumée dans les cas suivants :
obligation de respecter certains horaires de travail,
obligation de travailler dans les locaux du donneur d’ordre ou dans les locaux désignés par lui, ou
attribution contractuelle de droits à congés payés.
L’obligation de l’intéressé de rendre compte de son activité de manière détaillée et régulière peut aussi être un critère.
L’obligation illimitée de respecter l’ensemble des instructions émanant du donneur d’ordre constitue généralement un fort indice de l’existence d’une activité salariée, excluant toute activité indépendante. Le fait que le preneur d’ordre utilise des outils de travail tels que l’outillage du donneur d’ordre peut également être le signe d’une activité salariée. De même, l’obligation d’utiliser un certain équipement informatique ou certains logiciels, notamment si cela permet au donneur d’ordre d’exercer un contrôle, peut également être un indice d’une activité salariée.
En pratique toutefois, il est fréquent que les différents critères ou caractéristiques se côtoient. Une qualification claire à première vue est souvent impossible puisqu’il s’agit de termes juridiques mal définis qui ne permettent pas une appréciation universelle et juridiquement sûre. Si des critères pour les deux modes d’activité coexistent, ce sont ceux qui prédominent en nombre qui sont déterminants. De plus, il existe des critères forts et des critères faibles qu’il convient de pondérer différemment.
Que prévoit la loi en Allemagne concernant le versement des salaires ?
Il est également possible de déduire des termes mêmes du contrat la nature de la relation de travail, mais uniquement si le contrat reflète la situation réelle. En cas de divergence entre les termes du contrat et les faits, ce sont ces derniers qui prévalent, évinçant ainsi les dispositions théoriques du contrat.
Quelles sont les possibilités en Allemagne pour s’assurer juridiquement de l’existence d’une activité indépendante réelle ou fictive ?
Pour obtenir une sécurité juridique et écarter toute situation d’activité indépendante fictive, il est possible de recourir
- à la procédure de vérification du statut proposée par la Deutsche Rentenversicherung Bund (DRV Bund - organisme fédéral d'assurance vieillesse),
- à la vérification du statut par une caisse maladie avant le début de l’activité ou
- à un conseil juridique.
La procédure de vérification du statut par la DRV est notamment utile pour obtenir un avis juridique définitif sur la question. Il s’agit d’une procédure purement facultative, qui peut être entamée par l’une ou l’autre des parties (preneur d’ordre et/ou donneur d’ordre). Elle détermine la soumission ou non du collaborateur à un quelconque régime de sécurité sociale et crée ainsi une sécurité juridique vis-à-vis de l’ensemble des organismes sociaux.
A noter qu’une demande auprès de la DRV n’est possible que tant qu’aucune autre procédure administrative n’a été engagée pour déterminer l’obligation de cotisation à la sécurité sociale. La DRV interprète cette règle de manière plutôt stricte et assimile, par exemple, un audit d’entreprise à une procédure administrative. Ceci est le cas également si l’assurance-maladie transmet un questionnaire pour déterminer l’éventuelle obligation d’affiliation.
Conseils pratiques :
- En cas de doutes quant au statut d’un collaborateur, il convient de clarifier la situation au plus vite, au mieux dans le mois suivant le début de l’activité, en sollicitant auprès de la DRV l’ouverture d’une procédure de vérification du statut de l’intéressé.
- Pour ce faire, il faut déposer une demande écrite à laquelle il convient de joindre les accords écrits conclus entre les parties concernant l’activité. A défaut, il convient d’exposer sur une feuille séparée le contenu, la nature et les conditions d’exercice de l’activité. Après réception de la demande et suite à un premier examen, la chambre fédérale allemande d’arbitrage (« Clearingstelle ») peut, si besoin, demander des informations et, le cas échéant, des pièces complémentaires en fixant un délai pour leur communication. Avant de transmettre son avis définitif, la DRV peut encore procéder à une consultation écrite au cas où elle entendrait défendre une opinion divergente de celle des intéressés.
- Il n’est pas nécessaire d’entamer une procédure de vérification de statut si les intéressés s’accordent sur l’existence d’une activité salariée. Dans ce cas, une telle procédure complexe serait absurde et il convient de déclarer la personne salariée (et non plus preneur d’ordre) auprès des organismes de sécurité sociale compétents.
Qu’est-ce qu’un employeur allemand doit prendre en compte en cas de constatation d’une activité salariée ?
En cas de constatation d’une activité salariée, les revenus perçus sont considérés comme une rémunération soumise à cotisations sociales. En Allemagne, les cotisations sont calculées sur la base des revenus perçus (= rémunération soumise à cotisations sociales) et - contrairement à la France - prises en charge pour moitié par l’employeur et par le salarié.
En cas d’existence d’une activité soumise à cotisations sociales, l’employeur allemand est tenu de respecter l’ensemble des obligations résultant des dispositions du code de la sécurité sociale allemand (SGB), notamment l’obligation déclarative prévue par la procédure de déclaration auprès de la sécurité sociale (Sozialversicherungs-Meldeverfahren - DEÜV) ou l’établissement de documents relatifs aux rémunérations versées selon les dispositions de la directive allemande sur les cotisations de sécurité sociale (Beitragsverfahrensverordnung). Les déclarations doivent être effectuées auprès de la sécurité sociale au moment de l’établissement de la première fiche de paie, et au plus tard dans les 6 semaines suivant le début de l’activité. Est considéré comme début d’activité le moment où l’activité soumise à cotisations sociales débute effectivement.
Que prévoit la loi en Allemagne concernant le versement des salaires ?
En principe, le code civil allemand (BGB) prévoit que le salarié a l’obligation de s’exécuter en premier (§ 614 BGB). Il doit donc d’abord travailler pour ensuite percevoir sa rémunération. Si la rémunération est calculée sur des périodes prédéterminées, elle doit être versée après le terme de chacune des différentes périodes. Cela signifie que, si la rémunération a été convenue par mois, l’employeur doit la verser après la fin du mois. De manière générale, en Allemagne, tout salaire est donc exigible le premier jour du mois suivant.
Comment l’échéance du salaire est-elle habituellement gérée en pratique en Allemagne ?
En pratique, la disposition légale précitée n’a qu’une faible importance. D’une part, il existe de nombreuses réglementations spéciales. À titre d’exemple, citons la rémunération versée dans le cadre d’un apprentissage. Celle-ci est à verser au plus tard le dernier jour ouvré du mois. D’autre part, il est en principe possible de déroger aux dispositions légales. C’est ainsi que l’on trouve souvent des règles dérogatoires concernant l’échéance des salaires dans les conventions collectives, les contrats de travail ou les accords collectifs d’entreprise. En Allemagne, on trouve aujourd’hui habituellement des accords sur des paiements mensuels avec un décompte écrit et un paiement à la fin du mois voire jusqu’au 15 du mois suivant par virement. Généralement, la jurisprudence ne s’oppose pas à des telles règles qui prévoient une échéance plus tardive.
Si la société dispose d’un comité d’entreprise, ce dernier a un droit de codécision concernant le moment, l’endroit et les modalités de paiement des salaires.
Quelles sont les dispositions spécifiques à respecter eu égard au salaire minimum en Allemagne ?
La loi allemande portant sur le salaire minimum (MiLoG) prévoit quand au plus tard le salaire minimum est dû. Ainsi, elle limite la possibilité de prévoir des dispositions dérogatoires dans les contrats de travail individuels. L’employeur allemand est donc en principe tenu de payer le salaire minimum au plus tard le dernier jour ouvré bancaire du mois suivant le mois lors duquel le travail a été effectué. En général, les tribunaux considèrent les accords portant sur les paiements différés, qui en pratique se présentent habituellement sous forme de conditions générales, comme raisonnables jusqu’au 15 du mois suivant mais principalement dans l’hypothèse où ce délai est nécessité pour le calcul des rémunérations variables.
Quelles limites fixe la jurisprudence en Allemagne pour l’établissement du contrat de travail ?
Le tribunal supérieur du travail (LAG) du Bade-Wurtemberg a récemment considéré une clause dans un contrat de travail comme étant caduque qui prévoyait que le salaire d’un salarié soit payable le 20 du mois suivant. Comme motif, le tribunal a expliqué qu’il était uniquement possible de dévier du § 614 du BGB lorsque cela est justifié par la nécessité de protéger les intérêts légitimes de l’employeur. Il est irait ainsi dans l’hypothèse où l’employeur était tenu de recalculer tous les mois les différents éléments du salaire. Un report de l’échéance du salaire jusqu’au 15 serait raisonnable, sous réserve de versement d’un acompte au salarié. En l’espèce, l’employeur a dépassé la limite du raisonnable (LAG Bade-Wurtemberg, jugement du 09.10.2017, Réf. 4 Sa 8/17).
En cas de retard de paiement du salaire, quelles sont les sanctions encourues par l’employeur en Allemagne ?
Si l’employeur verse le salaire trop tardivement, il est réputé avoir versé le salaire en retard sans qu’une relance de la part du salarié soit nécessaire. Ce retard est constitué dès le lendemain du terme de l’échéance. Pour l’employeur, ceci peut entraîner les conséquences suivantes :