Employeurs en Allemagne : Les propos discriminatoires et les injures sur le net peuvent constituer un motif de licenciement
L’internet n’est pas un espace sans loi. Les délits et autres manquements à des obligations légales commis sur le net ont des répercussions dans la vie réelle. En Allemagne, de tels délits peuvent justifier un licenciement pour motif personnel.
Les délits commis en-dehors du cadre professionnel peuvent, eux aussi, constituer un motif de licenciement d’ordre personnel s’ils ont un lien avec la relation de travail et si, du fait de ces délits, la capacité du salarié à exercer ses fonctions s’en trouve remise en cause (p. ex. infraction à la sécurité routière commise par un chauffeur routier, évasion fiscale commise par un agent de l’administration fiscale, messages xénophobes postés sur internet).
Quelles sont outre-Rhin les limites de la liberté d’opinion dans le domaine du droit du travail ?
Le principe de la liberté d’opinion, inscrit dans la Loi Fondamentale allemande (Grundgesetz), donne à chacun le droit de s’exprimer librement. Ceci vaut également pour les commentaires sur le net.
Les employeurs allemands ne sont toutefois pas tenus de tolérer p. ex. des messages xénophobes postés par leurs salariés sur les réseaux sociaux. Le droit fondamental que constitue la liberté d’opinion est limité par d’autres droits et par des lois d’ordre général. Ceci vaut tout particulièrement pour le droit à l’honneur, qui n’est pas uniquement inscrit dans le code pénal allemand (Strafgesetzbuch), mais est également protégé par les dispositions de l’article 5 al. 2 de la Loi Fondamentale.
En particulier les discriminations et les critiques insultantes ne sont juridiquement pas couvertes par la liberté d’opinion.
Licenciement en cas de commission d’un délit
Toute personne salariée en Allemagne peut faire l’objet d’un licenciement si son comportement constitue un délit. Outre les délits financiers et les coups et blessures, notamment à l’égard de l’employeur, des collègues et des clients, l’incitation à la haine ainsi que les propos injurieux ou diffamatoires peuvent justifier un licenciement.
Si les propos tenus sur internet par un salarié permettent de déterminer qui est son employeur, le licenciement de ce salarié est justifiable si le lien qui peut être fait entre ces propos et l’employeur est de nature à porter atteinte à la réputation de ce dernier ou à ses affaires.
A cet égard, chaque situation doit être examinée au cas par cas, en soupesant précisément la liberté d’opinion d’un côté et l’obligation de respect découlant de la relation de travail, de l’autre.
Injures envers l’employeur sur le net
Les tribunaux allemands sont appelés de plus en plus régulièrement à connaître de litiges nés de licenciements prononcés suite à des insultes ou à des messages de haine postés sur internet. Jusque là, il s’agit le plus souvent de manifestations de mécontentement à l’encontre de l’employeur ou d’un supérieur hiérarchique.
- Les insultes ou injures d’un salarié à l’égard de son employeur ou de ses supérieurs hiérarchiques justifient également un licenciement avec préavis (ordentliche Kündigung), sans qu’il soit nécessaire de lui adresser au préalable un avertissement.
- En cas d’insulte grossière, l’employeur est en droit de licencier son auteur, même sans préavis (fristlose Kündigung).
A noter que, là encore, il convient toujours d’examiner les circonstances au cas par cas. A titre d’exemple, le Landesarbeitsgericht (tribunal régional du travail) de Hamm, jugeant injurieux les propos d’un apprenti sur Facebook qui avait dit de son chef qu’il « exploitait » les gens, a débouté cet apprenti de sa demande visant à faire constater le caractère abusif de son licenciement.
De même, les injures à l’égard de collègues peuvent justifier le licenciement d’un salarié. Le Arbeitsgericht (équivalent du conseil de prud’hommes en France) de Duisbourg a toutefois jugé
abusif le licenciement d’un salarié qui avait qualifié des collègues sur Facebook de « tas de graisse » et de « monsieur-je-sais-tout » (voir le jugement en date du 26.9.2012, 5 Ca 949/12).