Entreprises en Allemagne : A quel point les instructions de l’employeur ont-elles un caractère obligatoire ?
Selon la jurisprudence actuelle du BAG (Bundesarbeitsgericht - Cour fédérale du travail allemande), par principe, un salarié a l’obligation de se conformer aux instructions de son employeur même s’il estime qu’elles sont inéquitables, et ce jusqu’à ce qu’un jugement définitif soit rendu (« Le salarié est lié temporairement par une instruction de l’employeur qui n’est pas invalide pour une quelconque raison, jusqu’à ce qu’un jugement définitif intervienne constatant le caractère non obligatoire de la prestation demandée » BAG, décision de la 5ème chambre du 22.02.2012, Az. 5 AZR 249/11, NJW 2012, 2605).
Il en va de même lorsqu’un employeur impose p. ex. une mutation inéquitable. Ainsi, le salarié ne peut pas simplement ignorer l’exercice inéquitable du pouvoir de direction. Cet avis juridique du BAG, souvent critiqué, pourrait maintenant se voir modifié par une décision d’une autre chambre du BAG. En effet, selon la décision de la 10ème chambre, un salarié ne serait pas tenu de se conformer, même provisoirement, à une instruction inéquitable de son employeur si aucune décision définitive en ce sens n’a été rendue par un tribunal du travail (BAG, décision du 14.6.2017, Az. 10 AZR 330/16).
En raison des avis juridiques divergents des différentes chambres, la 10ème chambre ne pouvait statuer sur le pourvoi. Les juges viennent de demander à la 5ème chambre si elle campait sur sa position. Si tel devait être le cas, l’assemblée plénière de la Cour fédérale du travail allemande devra être saisie pour trancher la question.
Les conséquences résultant des avis divergents sont clairement illustrées par une affaire actuellement soumise aux juges. En l’espèce, le salarié avait dans un premier temps été employé à Dortmund. A la suite d’un litige en lien avec son licenciement, litige qui avait été tranché en faveur du salarié et qui avait donné lieu à sa réintégration, l’employeur a informé le salarié de sa volonté de le muter pour une durée de six mois sur le site de Berlin, après que tous les autres salariés aient refusé de continuer à travailler avec ce salarié qui avait engagé la procédure judiciaire. Après deux avertissements, l’intéressé, ayant refusé de travailler à Berlin, s’était vu notifier son licenciement. Dans le cadre de l’action engagée par le salarié en contestation de cette mesure, le salarié a sollicité de la Cour fédérale du travail allemande qu’elle constate en dernière instance qu’il n’était pas tenu d’obtempérer à l’ordre de mutation à Berlin.
Selon l’arrêt cité datant de 2012, cette argumentation ne pouvait aboutir puisque le salarié aurait dû se conformer à une instruction, même inéquitable, émanant de l’employeur. Dans la mesure où il ne l’a pas fait, les deux avertissements, voire le cas échéant le licenciement, auraient été justifiés.
De toute évidence, la 10ème chambre privilégie une autre solution. Mais tant que l’opinion contraire défendue par la 5ème chambre persiste, la 10ème chambre ne peut rendre aucune décision définitive.