Entreprises en Allemagne : Distinction entre contrat de service et contrat de travail
Confier un projet à du personnel externe par le biais d’un contrat de service permettait jusque là aux entreprises allemandes de remplacer leur propre personnel ou d’avoir une alternative au recours à des intérimaires. Depuis l’entrée en vigueur en Allemagne de la nouvelle loi sur le prêt de main d’œuvre en avril 2017, cette pratique, si elle continue de paraître attractive à certaines entreprises, ne leur en fait pas moins encourir des risques relativement élevés.
Nombre d’entreprises allemandes sont tentées de recourir à du personnel externe dans le cadre de contrats de services, et ce pour les raisons suivantes :
- Elles pensent par là pouvoir passer outre les conditions salariales („dumping social“). Depuis l’introduction en Allemagne d’un salaire minimum, cet aspect joue toutefois un rôle largement limité dans certains domaines.
- Dans le cadre d’un contrat de service, le donneur d’ordre n’est pas tenu de respecter certains quotas, comme cela est le cas dans certaines branches ou entreprises où des quotas d’intérimaires sont convenus avec les syndicats ou les représentants du personnel.
- Le donneur d’ordre ou l’employeur reste flexible, il n’est pas tenu de se conformer aux règles applicables en matière de travail intérimaire devenues un peu plus complexes depuis la réforme de la loi sur le prêt de main d’œuvre.
La conclusion d’un contrat de service fait néanmoins encourir de gros risques aux entreprises allemandes si les conditions juridiques permettant de recourir à un tel contrat ne sont pas remplies et si la relation contractuelle constitue en réalité une relation de travail dissimulée ou un prêt de main d’œuvre dissimulé.
Quels sont les risques en cas de contrat de service fictif ?
En matière de contrat de service, la prudence s’impose. Non seulement les organismes de sécurité sociale et l’administration fiscale sont sensibles à la question et procèdent à des contrôles scrupuleux, mais, en cas de procédures judiciaires entamées par des salariés, les entreprises peuvent se voir reprocher a posteriori par les tribunaux de ne pas avoir conclu ou exécuté un contrat de service comme il se doit, avec pour conséquence la reconnaissance d’une relation de travail dissimulée ou d’un prêt de main d’œuvre dissimulé.
Les situations ne sont pas rares où un besoin se fait sentir de faire vérifier, du point de vue du droit du travail, s’il existe une relation de travail, p. ex. suite à un accident du travail, lorsque le prétendu preneur d’ordre se rend compte que le statut de salarié lui aurait permis de bénéficier d’une meilleure protection.
Si les organismes de sécurité sociale ou les tribunaux compétents en matière de droit du travail constatent effectivement que la relation contractuelle ne peut être qualifiée de contrat de service, l’entreprise risque de se voir réclamer des arriérés tant par les organismes de sécurité sociale que par le « nouveau » salarié.
Qu’est-ce qui distingue un contrat de service et un contrat de travail en droit allemand ?
Dans le cas d’un contrat de service, la prestation due n’est pas le travail en soi (obligation de moyen) mais la réalisation de « l’ouvrage » convenu (obligation de résultat) (voir les dispositions des articles 631 et suivants du Code Civil allemand – « BGB »). La rémunération convenue est à verser par le client à la réception de « l’ouvrage ». Actuellement, il est tout à fait habituel que les contractants conviennent d’une rémunération sur une base horaire. Ce seul type de rémunération ne constitue toutefois pas un indice pour déterminer s’il s’agit d’une activité indépendante ou salariée.
Un élément caractéristique du contrat de service est notamment l’indépendance économique du preneur d’ordre. Ce dernier n’est ainsi, par principe, pas lié au donneur d’ordre par une relation de travail salarié, mais est considéré, du point de vue du droit de la sécurité sociale, comme un travailleur indépendant.
Dans le cadre d’un contrat de travail en revanche, l’obligation contractuelle porte sur la prestation de travail en elle-même, donc sur l’obligation de moyen visant à obtenir un certain résultat, sans que cette obligation soit liée de manière durable à un projet donné ou à un ordre concret.
A quoi peut-on reconnaître un contrat de service fictif en Allemagne ?
La règle de base est la suivante : peu importe l’intitulé que les parties donnent au contrat conclu, seule compte la situation effective dans le cadre de laquelle les parties exécutent le contrat. Il est en outre important de savoir si le contrat de service
- est convenu directement avec l’exécutant lui-même (relation bipartite)
- ou si le client a conclu un faux contrat de service avec un prestataire qui fait lui-même appel, pour l’exécution de la commande, à son propre personnel ou à un tiers (fictivement) indépendant, dans le cadre d’un contrat de service (relation tripartite).
Ainsi, à titre d’exemple, on est en présence d’un prêt de main d’œuvre illicite dans le cadre d’un faux contrat de service si le prétendu client traite l’exécutant, salarié du prestataire, comme son propre salarié, l’intègre dans son exploitation courante et lui fait faire le même travail que son personnel habituel – avec des outils et moyens identiques.
Voici d’autres indices pour un faux contrat de service :
- Il n’est convenu aucun résultat concret du travail („ouvrage“).
- Le „salarié partie à un contrat de service“ ne dispose pas d’une large autonomie, mais reçoit des instructions pour exécuter son travail, et
- Il est intégré dans l’entreprise utilisatrice de la même manière que le personnel permanent.
- Le „salarié partie à un contrat de service“ ne répond pas des vices de l’ouvrage convenu.
Même si les critères de distinction entre les deux types de contrats sont les mêmes du point de vue du droit de la sécurité sociale et du droit du travail, il est tout à fait possible, en raison de la séparation de principe entre ces deux branches du droit, qu’un contrat de service soit considéré comme un contrat de travail du point de vue du droit de la sécurité sociale alors qu’il est reconnu comme véritable contrat de service par une juridiction compétente en droit du travail.