Entreprises en Allemagne : Licenciement justifié en cas de départ en congés spontané d’un salarié
Le fait pour un salarié allemand de prendre des congés de sa propre initiative peut justifier un licenciement sans préavis pour motif grave. Ainsi en a jugé le tribunal supérieur du travail (Landesarbeitsgericht - « LAG ») de Düsseldorf dans une procédure concernant une salariée qui avait fait sa demande de congé alors qu’elle était déjà sur son lieu de vacances. L'employeur lui avait demandé de revenir travailler et, suite à son refus d’obtempérer, l’avait licenciée à juste titre.
En Allemagne, l'octroi des congés fait partie des prérogatives exclusives de l’employeur. Le supérieur hiérarchique n'a pas l’obligation d’accorder les congés tels que demandés par le salarié, même s’il se doit - sauf impératifs internes à l’entreprise - de tenir compte des desiderata de ce dernier pour fixer les dates de congés. Par principe, le salarié n'a toutefois pas le droit de prendre des congés de sa propre initiative.
Le fait pour un salarié de ne pas se présenter au travail après que sa demande de congé lui a été refusée constitue en soi un motif valable de licenciement. C'est ce qu'a jugé le LAG Düsseldorf dans le cas d'une salariée qui avait indiqué vouloir spontanément prolonger ses congés par un e-mail envoyé depuis son lieu de vacances (voir l’arrêt du LAG Düsseldorf du 11.07.2018, 8 Sa 87/18). Le tribunal a considéré que la prise spontanée de congé était un motif de licenciement, justifiant même en soi un licenciement sans préavis pour motif grave, et qu’il n’était donc pas impératif que la salariée ait fait au préalable l’objet d’un avertissement de la part de son employeur. Ce n'est que d’un point de vue purement formel que les juges ont émis de légères réserves quant à la régularité de la consultation du comité d'entreprise exigée par le droit allemand.
Le tribunal du travail de Düsseldorf quant à lui en a décidé autrement dans le cas du licenciement sans préavis d’un membre du comité d'entreprise qui avait pris deux jours de congé sans solde, sans l’autorisation de l'entreprise. Si le but de ces deux jours de congés sans solde était de participer à une formation syndicale, l’employeur avait néanmoins fait valoir que l’intéressé, un salarié disposant d’une longue ancienneté au sein de l’entreprise et bénéficiant d’heures de délégation dans le cadre de l’exercice de sa fonction de président du comité d'entreprise, avait pris ces congés de sa propre initiative, ce qui justifiait à ses yeux un licenciement sans préavis pour motif grave. Le comité d'entreprise s’était opposé à cette mesure dans le cadre de son droit de codécision. Le tribunal du travail de Düsseldorf a jugé que, dans ce cas concret et par exception, le manquement ainsi commis par le président du comité d’entreprise n'était pas suffisant pour justifier son licenciement sans préavis (voir la décision du Arbeitsgericht Düsseldorf du 10.03.2016, 10 BV 253/15, BeckRS 2016, 67038).
Quels sont les éléments d’appréciation à prendre en compte et quelles exigences légales les employeurs en Allemagne doivent-ils respecter dans le cadre de la planification des congés au sein de leur entreprise ?
La loi fédérale allemande sur les congés payés (« Bundesurlaubsgesetz ») pose comme principe que c'est l'employeur qui fixe les congés. Il s’ensuit que le salarié n'est pas autorisé à prendre un congé de sa propre initiative. Ainsi, toute absence d’un salarié en raison de congés pris spontanément est réputée non autorisée, et ce même si l'employeur ne se conforme pas à son obligation de fixation des congés. Ce manquement de la part du salarié peut conduire à son licenciement, mais cela n’est pas automatique, comme en atteste également le cas du président du comité d'entreprise déjà évoqué.
L'employeur en Allemagne doit en tout état de cause tenir compte des desiderata du salarié lors de la fixation des congés. La Cour fédérale du travail (« BAG ») considère même que les souhaits du salarié à cet égard sont prioritaires. En cas d’impératifs contraires internes à l'entreprise, ils donnent uniquement à l’employeur le droit de refuser d’accéder à la demande du salarié, ce droit n’étant opposable que dans des cas exceptionnels.
A titre d’exemples de tels impératifs, sont fréquemment évoquées des pénuries de personnel, une augmentation soudaine du carnet de commandes ou toutes autres circonstances en lien avec l'organisation interne de l'entreprise susceptibles de nuire substantiellement à son bon fonctionnement en cas d’octroi des congés tels que demandés. Même si l'employeur considère qu’il existe un risque pour le bon fonctionnement de son entreprise, il se doit d’abord de peser les intérêts contradictoires des parties, tout en gardant à l’esprit le caractère prioritaire des souhaits des salariés.
Si l'employeur allemand - avec la participation du comité d'entreprise dans le cadre de la cogestion prévue à l’article 87 de la loi allemande sur l’organisation sociale des entreprises (« BetrVG ») - fixe valablement une période de fermeture de l’entreprise pour congés annuels, ceux-ci constituent des impératifs internes à l'entreprise pouvant s’opposer aux souhaits de congés des salariés. Dans ce cas, les congés annuels d'entreprise n’ont pas à être justifiés eux-mêmes par des impératifs internes à l'entreprise - contrairement aux sociétés ne disposant pas d’un comité d'entreprise.
Si donc, tout employeur en Allemagne doit tenir compte des souhaits du salarié lorsqu’il accorde des congés, il peut toutefois fixer les dates des congés même si le salarié n'a fait aucune demande. A noter toutefois qu’avant de fixer les congés de manière unilatérale, l’employeur serait tout avisé de s'enquérir au préalable des desiderata du salarié. En effet, ce dernier a toujours la faculté de faire valoir ses souhaits alors même que les congés ont déjà été fixés par l'employeur sans que ce dernier lui ait demandé de lui communiquer les dates souhaitées. En dernier lieu, le BAG ne reconnaît une fixation unilatérale des jours de congés que si elle est acceptée par le salarié.
Si l'employeur tient suffisamment compte des souhaits du salarié, la période fixée pour les congés ne peut généralement plus être modifiée unilatéralement. Toute modification a posteriori des dates de congés, que ce soit à la demande de l'employeur ou du salarié, requiert un accord entre les parties.