Entreprises en Allemagne: Avertissement d’un salarié préalablement à son licenciement pour motif réel et sérieux (« ordentliche Kündigung »)
En Allemagne, un licenciement pour motif réel et sérieux avec préavis (« ordentliche Kündigung ») doit impérativement être précédé d’un avertissement (« Abmahnung ») pertinent, à la suite duquel le salarié n’a pas modifié son comportement. Tout salarié faisant l’objet d’un avertissement doit disposer de suffisamment d’occasions et de temps pour renoncer à l’attitude qui lui est reprochée et corriger son comportement (phase d’amélioration). La durée de cette « phase d’amélioration » est à fixer au cas par cas. Il existe à ce sujet une jurisprudence allemande pléthorique. L'avertissement est source de nombreuses erreurs. Pour sécuriser au maximum un avertissement du point de vue juridique, les employeurs en Allemagne doivent respecter les exigences du droit du travail allemand tant sur le fond que sur la forme.
Il convient tout d'abord de noter qu’en Allemagne, l'avertissement n'est pas réglementé par la loi et qu’en conséquence, il n'y a ni formes ni délais légaux à respecter à cet égard. Cela dit, pour s’assurer que son avertissement soit effectivement reconnu par les tribunaux, tout employeur
allemand serait bien avisé de prendre connaissance et d’observer les conditions d’ordre général élaborées par les tribunaux en la matière.
Le licenciement étant une mesure particulièrement drastique du droit du travail, le fait pour un employeur de se séparer d’un salarié devrait toujours constituer l’ultime recours en cas de problèmes. En cas de comportement fautif de la part du salarié, l'employeur en Allemagne doit dans un premier temps considérer que l'employé peut changer d’attitude à l’avenir. En conséquence, il doit adresser un avertissement au salarié préalablement à son éventuel licenciement pour motif personnel, si tant est que la loi allemande sur la protection contre le licenciement abusif (« Kündigungsschutzgesetz ») soit applicable à la relation de travail.
En Allemagne, l'avertissement est considéré à titre exceptionnel comme superflu s'il apparaît inutile dans la mesure où on ne peut pas s’attendre à un changement de comportement de la part du salarié ou parce que le manquement qui lui est reproché est tout simplement trop grave. Dans de tels cas, un licenciement sans préavis pour motif grave (« sofortige außerordentliche Kündigung ») est généralement possible.
Sous quel délai l’avertissement doit-il être adressé au salarié en Allemagne ?
En cas de litige, l'employeur doit être en mesure de démontrer et de prouver le bien-fondé de l'avertissement, et donc la violation concrète par le salarié de ses obligations contractuelles. Il n'existe pas de délai concret au terme duquel le salarié ne pourrait plus valablement faire l’objet d’une telle mesure disciplinaire. Toutefois, l'avertissement devrait être rapidement notifié au salarié dans les quelques semaines suivant l'incident, généralement dans un délai de quatre semaines au plus tard. A défaut, le salarié pourrait avoir l'impression que l'employeur a accepté son comportement inapproprié.
Quelle est la durée de validité d'un avertissement en Allemagne (prescription) ?
Le droit du travail allemand ne prévoit pas de prescription en matière d’avertissement. Ce qui signifie que, du point de vue juridique, il n'y a pas de moment précis à partir duquel l'avertissement n’aurait plus d’effets. Toutefois, en raison même de sa fonction « de signal d'alerte » transmis au salarié, l’avertissement perd de sa signification avec le temps dès lors que l'employé agit sur une longue période toujours conformément à ses obligations contractuelles ou que le comportement qui lui est reproché est devenu insignifiant pour la relation de travail. Selon la jurisprudence de la Cour fédérale du travail allemande, les circonstances du cas d'espèce importent à cet égard.
Forme de l'avertissement en Allemagne - écrit ou verbal ?
En principe, aucune forme écrite n'est prescrite pour l’avertissement. En théorie, l’avertissement peut donc aussi être adressé verbalement au salarié. Toutefois, dans la mesure où, en cas de litige, l'employeur doit pouvoir prouver les circonstances qui ont conduit à l’avertissement, il est tout à fait pertinent de procéder à une notification par écrit – en utilisant dans le courrier la mention "avertissement".
Qui peut adresser un avertissement en Allemagne ?
Toute personne au sein de l'entreprise n’est pas autorisée à adresser un avertissement, avec les conséquences qui en découlent selon le droit du travail. Sont autorisées à délivrer un tel avertissement, tous les salariés étant par ailleurs habilités à donner des instructions
contraignantes à l'employé concerné portant sur le lieu, les horaires et la nature de la prestation de travail due aux termes du contrat de travail. Il s’agit généralement du supérieur hiérarchique direct.
Le comité d'entreprise (« Betriebsrat ») doit-il être impliqué en cas de notification d’un avertissement en Allemagne ?
Contrairement à ce que prévoit la législation française, l’employeur n’est pas tenu en Allemagne d’organiser des élections en vue de la mise en place d’un comité d’entreprise (CSE / comité social et économique) lorsque l’effectif de l’entreprise atteint un certain seuil. C'est aux salariés de prendre l’initiative de mettre en place un CE / CSE, ce qui est possible à partir d’un effectif de 5 personnes.
Lorsqu’une entreprise en Allemagne dispose d’un comité d’entreprise, il n'est pas obligatoire de l’impliquer dans le processus d'avertissement. Ceci ne vaut toutefois pas si, suite à l’avertissement, le salarié concerné est finalement licencié pour motif personnel. En pratique toutefois, il n’est pas rare que le comité d’entreprise soit informé par l'employeur de la notification d’un avertissement. Et ce notamment parce que le salarié ayant fait l’objet de l’avertissement a le droit de se plaindre auprès du comité d’entreprise de ce que cet avertissement l’aurait désavantagé ou serait caractéristique d’un traitement injuste. A noter qu’en Allemagne, le comité d’entreprise ne peut exiger de l’employeur qu’il l’informe des avertissements prononcés.
Quel contenu un avertissement en Allemagne devrait-il avoir ?
Pour que l'avertissement allemand soit valable, il faut que son contenu ait une fonction de réclamation et de documentation ainsi qu’une fonction d'alerte. Pour éviter que le salarié ne puisse exiger ultérieurement le retrait de l’avertissement de son dossier personnel ou que l'avertissement soit reconnu comme insuffisant dans le cas d'un licenciement pour motif personnel subséquent, l’employeur doit respecter ce qui suit :
- Le grief concret de manquement à une obligation doit être formulé en exposant exactement les faits (fonction de réclamation et de documentation de l'avertissement). Le salarié doit clairement comprendre l’obligation à laquelle il est tenu et qu’en l’occurrence il n’a pas respectée. Il ne suffit pas que l’employeur fasse un reproche d’ordre général tel que "votre comportement est inacceptable", "vos performances laissent à désirer" ou "vous arrivez toujours trop tard".
- Indication de la mise en danger de la relation de travail en cas de récidive (fonction d'alerte de l'avertissement).
En Allemagne, l'employeur n'est pas tenu d’exposer concrètement les conséquences exactes d'une récidive de l’attitude fautive du salarié, tel qu'un autre avertissement, un licenciement avec préavis pour motif réel et sérieux (« ordentliche Kündigung ») ou un licenciement sans préavis pour motif grave (« außerordentliche Kündigung ») dans la mesure où l’employeur ne doit en aucun cas faire croire au salarié qu’il prendra l'une après l'autre toutes les mesures envisageables avant de le licencier en ultime recours. La conséquence pour la relation de travail dépend toujours de la gravité du manquement constaté au cas d'espèce.
Les employeurs allemands devraient néanmoins faire concrètement référence au licenciement comme conséquence du manquement du salarié pour lui faire comprendre à quel point la situation est grave. Il est également conseillé de faire apparaître le terme "avertissement" dans l’intitulé du courrier et d’indiquer clairement la raison de l'avertissement, c'est-à-dire d’exposer le grief précis, pour que l’intéressé puisse comprendre les faits et qu’il sache immédiatement ce qu'il doit changer.
Quels sont les motifs pouvant justifier un avertissement en Allemagne ?
Il existe diverses raisons pour lesquelles un employeur peut déplorer le comportement de ses salariés. Toutefois, d'un point de vue juridique, toutes les attitudes qui lui déplaisent sont loin de constituer un motif suffisant pour justifier un avertissement. Il doit notamment s'agir de la violation par le salarié d'une véritable obligation contractuelle à laquelle il est soumis. A titre d’exemple, peuvent notamment constituer un motif justifiant un avertissement :
- la consommation d'alcool en dépit d'une interdiction licite
- la violation de l’obligation de déclaration et de preuve en cas de maladie
- le refus de travailler
- tout comportement fautif en dehors des heures de travail ayant des effets néfastes pour l'employeur
- la calomnie
- le fait de troubler la paix dans l'entreprise (par exemple : dénonciation de collègues, insultes, attitude incitative....).
- une absence non justifiée
- des performances de travail faibles ou mauvaises
- tout manquement aux obligations de protection (p. ex. dommages causés aux biens de l'employeur)
- des retards.