Entreprises en Allemagne : Nouvelle directive européenne en matière de protection des savoir-faire et des secrets d’affaires
Depuis 2013, l’Union Européenne travaille à l’établissement d’une norme minimale commune dans le domaine de la protection des secrets d’affaires et des secrets d’entreprises. Cette démarche a abouti à l’adoption par le Parlement européen, le 14 avril 2016, de la directive « sur la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulgués (secrets d’affaires) contre l’obtention, l’utilisation et la divulgation illicites » (2013/0402 (COD)). Les législateurs nationaux français et allemand sont maintenant appelés à transposer la directive dans leur pays respectif dans les deux ans qui viennent. Si les nouvelles règles ainsi adoptées reflètent en grande partie la situation juridique actuelle en Allemagne, elles contiennent néanmoins, du point de vue du droit allemand, un certain nombre de nouveautés intéressantes qu’il convient de prendre en compte.
Quel est le contenu de la directive ?
Une place centrale est réservée, dans le cadre de l’harmonisation des normes nationales en vigueur, à la définition même du secret d’affaires. Au sens de la directive sur les savoir-faire, on ne peut parler de secret d’affaires que si les 3 conditions essentielles suivantes sont remplies :
1. l’information doit être confidentielle,
2. elle doit posséder à ce titre une valeur commerciale et
3. être protégée de toute divulgation par des mesures appropriées du bénéficiaire visant à garantir sa confidentialité.
Ce dernier critère notamment pourrait soumettre les entreprises allemandes à des exigences autrement plus strictes que les exigences actuelles. Reste à savoir concrètement quels minima s’imposeront outre-Rhin.
Outre la définition commune du secret d’affaires, la directive précise dans quelles circonstances l’acquisition ou l’utilisation de secrets d’affaires est à considérer comme illicite. A noter à cet égard que l’ingénierie inverse en vue d’obtenir des informations sur un produit (« Reverse Engineering ») est désormais expressément autorisée, ce qui n’était pas le cas auparavant et qui pouvait même donner lieu à des poursuites pénales dans le cadre de la loi contre la concurrence déloyale. Le législateur allemand est donc invité à clarifier les dispositions légales nationales à cet égard.
Au niveau des conséquences juridiques, les entreprises lésées disposeront à l’avenir de possibilités d’action supplémentaires telles que des ordonnances visant à faire cesser un trouble manifestement illicite, des droits de rappel et des droits de destruction des produits incriminés. Les droits de propriété intellectuelle peuvent à cet égard servir de base pour élargir la protection du détenteur d’un secret d’affaires.
Pour finir, le respect de la confidentialité des informations au cours de la procédure judiciaire entamée par le bénéficiaire pour défendre ses intérêts doit être garanti, permettant ainsi de renforcer la position des détenteurs de secrets d’affaires. Pour cela, la directive prévoit même des possibilités d’accès restreint aux consultations et aux documents. La transposition de la directive en droit national allemand devrait toutefois s’avérer problématique à cet égard. En effet, auparavant, le bénéficiaire devait inclure dans ses réflexions sur l’opportunité d’intenter un procès le fait que ses secrets d’affaires allaient être divulgués dans le cadre du procès. Une nouvelle règlementation en matière de protection des secrets d’affaires suppose donc une refonte complète des règles correspondantes prévues par le Code allemand de procédure civile (ZPO) et par la loi allemande relative à l’organisation judiciaire (GVG).
Quels effets la directive a-t-elle sur le lancement d’alerte („Whistleblowing“) ?
Une exception essentielle au champ d’application de la directive est le cas du lancement d’alerte (« Whistleblowing »). La divulgation de secrets en raison de l’existence d’un intérêt public se justifie tout autant qu’avant. La jurisprudence allemande rendue à ce jour dans ce domaine ne devrait donc pas s’en trouver substantiellement modifiée.
Quelles mesures concrètes les entreprises allemandes devraient-elles prendre ?
A l’heure actuelle, il n’est pas possible de prévoir sous quelle forme concrète la directive européenne sera transposée en droit allemand. D’ici là, il est recommandé aux entreprises allemandes de se conformer, dans leurs pratiques, aux minima exigés au niveau européen. Elles devraient notamment (faire) vérifier les mesures prises pour protéger leurs informations confidentielles et les documenter. Ainsi, elles pourraient envisager d’adopter des règles claires concernant les compétences en matière de protection des secrets d’entreprises et de prendre des mesures de sensibilisation de leur personnel ainsi que des mesures de sécurité d’ordre physique et électronique. Par ailleurs, il leur est vivement recommandé de signer avec leurs cocontractants et salariés des accords et des clauses de confidentialité.