Entreprises en Allemagne : Quand le temps d’habillage et de déshabillage des salariés ou le temps de douche fait-il partie du temps de travail rémunéré ?
Les tribunaux allemands sont régulièrement appelés à trancher la question de savoir si le temps d’habillage et de déshabillage ou le trajet entre les vestiaires et le poste de travail compte comme du temps de travail rémunéré ou pas. Sous certaines conditions, les employeurs allemands sont tenus de rémunérer le temps d’habillage et de déshabillage dans l’entreprise comme du temps de travail. C’est ce qu’a récemment confirmé la Cour fédérale du travail.
Dans le cas soumis à la Cour fédérale du travail, les juges ont partiellement donné raison au salarié et lui ont accordé un supplément de rémunération pour le temps d’habillage et de déshabillage dans l’entreprise. Dans cette affaire, l’élément décisif a été l’instruction donnée par l’employeur à ses salariés de mettre et d’enlever les tenues de travail fournies dans les locaux de l’entreprise, et ce dans un vestiaire prévu à cet effet. La Cour a considéré que le temps d’habillage et de déshabillage fait partie du temps de travail dès lors que le port d’une tenue de travail est obligatoire et que le salarié n’est autorisé à l’enfiler qu’une fois arrivé dans les locaux de l’entreprise.
Dans un tel cas, l’employeur a l’obligation de rémunérer ce temps. Par principe, l’employeur a le droit d’imposer unilatéralement à ses salariés d’enfiler leurs tenues de travail dans les locaux de l’entreprise puisque le port d’une tenue de travail fait partie, en cas d’intérêt légitime, du pouvoir de direction de l’employeur (Cour fédérale du travail, arrêt du 26.10.2016, n° de référence : 5 AZR 168/16, NZA 2017, 323).
De manière générale, quand le temps de se changer ou de prendre une douche entre-t-il dans le temps de travail des salariés en Allemagne ?
Se changer et se laver satisfait un besoin non personnel lorsque cela ne subvient pas en même temps à un besoin personnel. Au cas d’espèce, le port de la tenue de travail servait uniquement l’intérêt de l’employeur. C’est exactement sur ce point que porte la juridiction.
Selon elle, il convient de déterminer si la tenue de travail
- doit être portée pendant le temps de travail sur instruction de l’employeur
et
- si tout usage privé de la tenue de travail est interdit.
Dans l’affirmative, il s’agit d’une action du salarié répondant exclusivement à un intérêt non personnel, donc de temps de travail. Ce qui a également des répercussions sur la collaboration avec le comité d’entreprise puisqu’en Allemagne, ce dernier a un droit de codécision dans toutes les questions ayant trait au temps de travail.
Dans ce contexte, selon le droit allemand, le temps pour se rendre au travail peut-il également être considéré comme du temps de travail ?
De manière générale, le trajet du salarié pour se rendre à son travail ne compte pas comme temps de travail. Notamment dans le cas de tenues de travail particulièrement identifiables, l’employeur ne peut pas exiger des salariés qu’ils enfilent leur tenue de travail avant de quitter leur domicile. Au contraire, les employés ont souvent un intérêt légitime à ce que leur vie privée ne soit pas restreinte par l’intérêt de l’entreprise pendant le trajet pour se rendre ou revenir du travail.
Quand le temps d’habillage et de déshabillage doit-il être rémunéré en Allemagne ?
Temps de travail et rémunération ne vont pas forcément de pair. Certes, normalement, lorsqu’il est exigé du salarié de changer de tenue, ce temps compte comme temps de travail. Toutefois, la question de la rémunération demeure. La jurisprudence allemande ne voit là aucun lien automatique dans la mesure où l’obligation de rémunération découle uniquement de « la prestation des services promis » (§ 611 alinéa 1 du Code civil allemand). Cette obligation est donc juridiquement indépendante de la qualification de temps de travail du temps pendant lequel le salarié fournit le travail dû. Cela signifie que « la qualification d’un temps comme temps de travail n’entraîne pas forcément une obligation de rémunération » (Cour fédérale du travail, arrêt du 19.09.2012, n° de référence : 5 AZR 678/11, DB 2012, 16).
La question se pose de savoir à partir de quand une activité du salarié constitue la prestation d’un « service promis » qui, conformément au § 611 al. 1 du Code civil allemand, ouvre doit à rémunération. En principe, cette notion ne couvre pas uniquement l’activité de base, mais toute autre activité du salarié exigée par le contrat de travail et ayant un lien direct avec l’activité de base, c’est-à-dire tous les services que l’employeur exige du salarié dans le cadre de son pouvoir de direction. Le travail en tant que prestation des services promis désigne quant à lui toute activité servant à satisfaire un besoin non personnel et qui est donc réalisée pour l’employeur.
La Cour fédérale du travail a confirmé que non seulement le temps d’habillage et de déshabillage devait être rémunéré, mais également le trajet au sein de l’entreprise qui en résulte (vestiaire – poste de travail).
Le temps d’habillage et de déshabillage est à fixer individuellement. Il s’agit donc du temps dont chaque salarié a individuellement besoin pour se changer, en fonction de sa propre efficacité. La même chose s’applique au trajet entre les vestiaires et le poste de travail.