Entreprises en difficulté : les alternatives aux procédures de redressement et de liquidation judiciaire
Le droit français des entreprises en difficulté offre plusieurs outils afin de permettre aux entreprises rencontrant des difficultés financières de mettre en œuvre les mesures adéquates en vue d’une relance de leur activité, d’une restructuration, d’une cession de leur fonds de commerce ou d’une cessation d’activité.
A côté des procédures collectives (d’insolvabilité) classiques, que sont le redressement judiciaire et la liquidation judiciaire, le droit français propose des procédures dites préventives qui sont au nombre de trois : le mandat ad hoc, la procédure de conciliation et la procédure de sauvegarde judiciaire.
Chacune de ces procédures est singulière.
Quand peut-on opter pour une procédure préventive ?
Le recours à une procédure préventive est ouvert aux entreprises connaissant des difficultés économiques mais ne se trouvant pas en état de cessation des paiements (« Zahlungsunfähigkeit »).
La notion d’état de cessation des paiements est particulière au droit français. Elle vise l’impossibilité pour l’entreprise concernée de faire face à son passif exigible avec son actif disponible.
Il faut donc réunir deux critères pour pouvoir demander l’ouverture d’une procédure préventive :
- Rapporter l’existence de difficultés économiques, et
- Ne pas se trouver en état de cessation des paiements (ou l’être depuis moins de 45 jours pour la procédure de conciliation).
Pour les entreprises commerciales, la demande d’ouverture d’une procédure préventive (mandat ad hoc, procédure de conciliation ou sauvegarde judiciaire) est adressée, tout comme la demande d’ouverture d’une procédure collective (redressement judiciaire ou liquidation judiciaire), au tribunal judiciaire (en Alsace-Moselle) ou au tribunal de commerce du ressort dans lequel l’entreprise concernée à son siège.
Quelles sont les spécificités du mandat ad hoc ?
Le mandat ad hoc est une procédure volontaire qui permet aux entreprises rencontrant des difficultés financières de demander au tribunal la désignation d’un mandataire exceptionnel pour la réalisation d’une mission spécifique.
L’avantage notable du mandat ad hoc est qu’il permet à l’entreprise de choisir à la fois l’identité du mandataire (sous réserve d’incompatibilité) et l’objet précis de sa mission.
Un mandataire ad hoc différent de celui proposé par la société demandant à bénéficier de cette mesure ne pourra être désigné par le tribunal qu’après accord de cette dernière, notamment concernant les modalités de la rémunération du mandataire.
Généralement le mandat ad hoc est établi pour une période de quelques mois. La mission du mandataire ad hoc consiste le plus souvent dans l’accompagnement de l’entreprise débitrice dans le cadre de la négociation d’accords avec ses créanciers. Rien ne s’oppose toutefois à ce qu’un autre type de mission lui soit confié.
Les principaux avantages du mandat ad hoc sont les suivants :
- Le jugement de désignation du mandataire ad hoc n’est pas publié et l’entreprise n’a pas d’obligation d’information du comité d’entreprise ou des délégués du personnel ;
- La procédure est couverte par la confidentialité ;
- Le dirigeant conserve le pouvoir de diriger seul son entreprise.
Tout comme la procédure de conciliation, le mandat ad hoc ne permet toutefois pas d’imposer des mesures ou des délais de paiement supplémentaires aux créanciers et partenaires commerciaux de l’entreprise en difficulté.
En quoi consiste la procédure de conciliation ?
A l’instar du mandat ad hoc, il s’agit d’une procédure de prévention des difficultés volontaire et confidentielle.
Toutefois, contrairement au mandat ad hoc et à la sauvegarde judiciaire, il est possible de demander l’ouverture d’une procédure de conciliation malgré l’existence d’un état de cessation des paiements dès lors que celui-ci est de moins de 45 jours.
Sur demande formée par l’entreprise au tribunal, ce dernier pourra (s’il le juge opportun) désigner un conciliateur dont il déterminera la mission. Le plus souvent le conciliateur est choisi parmi les administrateurs judiciaires de la région.
La durée de la mission du conciliateur est de 4 mois et peut, le cas échéant, être prolongée d’un mois supplémentaire.
Pendant cette période le conciliateur s’efforce de concilier la société débitrice avec ses créanciers pour parvenir à un accord afin de permettre à l’entreprise de sortir de ses difficultés financières.
Si un accord intervient, il existe la possibilité de le faire homologuer par le tribunal. Dans ce cas, il fera l’objet d’une publication.
Tant que l’accord est respecté, les créanciers signataires perdent leur droit de poursuite individuel à l’encontre de la société débitrice. A l’inverse, si cette dernière ne respecte pas ses engagements découlant de l’accord, les créanciers peuvent demander au tribunal de mettre fin à l’accord. Dans ce cas, ils retrouvent leur droit de poursuite.
Qu’est-ce que la procédure de sauvegarde judiciaire ?
La procédure de sauvegarde judicaire est l’une des trois procédures collectives prévues par le Code de commerce français.
Il s’agit d’une procédure préventive à l’instar du mandat ad hoc et de la conciliation, c’est-à-dire ouverte aux entreprises ne se trouvant pas en état de cessation des paiements.
La demande d’ouverture ne peut être faite que par le chef d’entreprise lui-même et non par un créancier ou le ministère public.
A l’inverse des deux autres procédures préventives, la sauvegarde judiciaire déclenche un certain nombre d’effets similaires à ceux des deux autres procédures collectives, notamment :
- Publication du jugement d’ouverture de la procédure au BODACC,
- Nomination d’organes de la procédure : mandataire judiciaire (représentant des créanciers) et administrateur judiciaire qui assiste le dirigeant dans la gestion de l’entreprise en vue de l’établissement d’un plan de sauvegarde,
- Interdiction de payer les créances antérieures au jugement d’ouverture pour le chef d’entreprise,
- Suspension des poursuites individuelles à l’encontre de la société débitrice,
- Maintien forcé des contrats en cours.
La procédure de sauvegarde a pour but l’adoption d’un plan de sauvegarde permettant le remaniement de l’activité de l’entreprise et l’apurement du passif selon un échéancier progressif, généralement sur 10 ans.
La procédure de sauvegarde se clôture soit par la disparation des difficultés, soit par l’adoption d’un plan de sauvegarde ou enfin par la conversation de la procédure en redressement ou liquidation judiciaire si l’entreprise se retrouve en état de cessation des paiements ou s’il s’avère que les difficultés de l’entreprise ne pourront être surmontées.
Quelles différences entre la procédure de sauvegarde judiciaire et le redressement ou la liquidation judiciaire ?
Aussi bien le redressement judiciaire que la liquidation sont des procédures ouvertes aux entreprises se trouvant en état de cessation des paiements.
Pour l’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire, il faut par ailleurs démontrer au tribunal que le redressement de l’entreprise au moyen d’un plan de redressement est manifestement impossible.
1. Auteur de la demande
Contrairement aux procédures préventives, la demande d’ouverture d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire n’est pas réservée au chef d’entreprise. Les créanciers de l’entreprise peuvent aussi en faire la demande ainsi que le Ministère public.
2. Pouvoir de gestion
Les pouvoirs de gestion du chef d’entreprise sont limités aux actes de gestion courante dans le cadre d’un redressement judiciaire ou complètement transférés au liquidateur judiciaire dans le cadre d’une liquidation.
3. Nullités de la période suspecte
Plusieurs actes accomplis par le débiteur entre la date de cessation des paiements et le jour du jugement d’ouverture (« période suspecte ») sont annulables par le juge-commissaire ou encourent même la nullité de plein droit.
Sont notamment sanctionnés par la nullité de plein droit : les actes à titre gratuit translatifs de propriété, les contrats déséquilibrés, les paiements de dettes non échues etc.
Ce dispositif ne s’applique pas dans le cadre de la sauvegarde judiciaire dans la mesure où il n’y a pas de cessation des paiements.
4. Exposition du chef d’entreprise à des sanctions patrimoniales
Enfin, dans le cadre d’une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire, il est possible que la responsabilité du chef d’entreprise soit recherchée et que des sanctions patrimoniales soient prises à son encontre lorsque ce dernier a commis des fautes ayant mené à l’état de cessation des paiements ou à son aggravation (action en comblement du passif, autrement appelée responsabilité pour insuffisance d’actif).
Le droit français des entreprises en difficulté offre donc un panel complet de solutions. La détermination de la solution adéquate afin de résoudre telle ou telle difficulté ne peut être généralisée et doit s’opérer au cas par cas après une étude approfondie de la situation de l’entreprise.
Nos avocats spécialisés en droit des entreprises en difficultés pourront vous aiguiller.
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