Insolvabilité : Déroulement d’une procédure collective à l’encontre d’une société en Allemagne
Si une personne morale en Allemagne se retrouve en difficulté, il est ouvert à son encontre une procédure appelée « Regelinsolvenzverfahren » (procédure collective régulière). Cette procédure se distingue de la procédure française sur certains points. Nous nous proposons ici d’exposer les principales étapes de la procédure collective régulière.
Qui peut demander l’ouverture d’une procédure collective et pour quels motifs ?
La demande d’ouverture d’une procédure collective peut émaner du débiteur lui-même (on parle alors de « Eigenantrag ») ou d’un créancier (« Fremdantrag »).
Les motifs justifiant l’ouverture d’une telle procédure sont :
- la cessation de paiements (§ 17 InsO, Code allemand régissant les entreprises en difficulté) ;
- la cessation imminente de paiements (uniquement en cas de demande émanant du débiteur, § 18 InsO) ;
- le surendettement (§ 19 InsO).
Comment se déroule la procédure de demande ?
Lorsque la demande est formée, le tribunal compétent en matière de procédures collectives (« Insolvenzgericht ») fait vérifier les trois points suivants par un expert :
- La crise traversée par l’entreprise est-elle si profonde qu’elle correspond au moins à l’un des trois motifs justifiant l’ouverture d’une procédure collective ?
- Les créances à l’encontre de l’entreprise sont-elles justifiées ?
- L’entreprise dispose-t-elle de suffisamment d’actifs („masse des actifs“) pour au minimum couvrir les frais de la procédure ?
Parallèlement, le tribunal peut également désigner un administrateur judiciaire provisoire dont la mission principale consiste à veiller à la conservation de la masse des actifs. Les missions d’expert, d’administrateur provisoire et – pour autant que la procédure collective est effectivement ouverte par la suite – d’administrateur judiciaire sont en règle générale assurées par la même personne.
Qu’est-ce qu’un administrateur provisoire ?
L’administrateur provisoire est dit „fort“ (« starker vorläufiger Insolvenzverwalter ») si, parallèlement à sa nomination, le tribunal soumet le débiteur à une interdiction générale de disposer de ses biens. Seul l’administrateur provisoire dit « fort » peut faire naître des dettes à la charge de la masse (« Masseverbindlichkeiten »), après ouverture de la procédure collective (§ 55 Abs. 2 InsO).
L’administrateur provisoire dit „faible“ (« schwacher vorläufiger Insolvenzverwalter ») n’est pas habilité à conclure des actes juridiques. Dès qu’un acte de disposition doit être pris sur le patrimoine du débiteur, l’administrateur provisoire dit « faible » doit donner son accord.
Quand et comment est-il procédé à l’ouverture d’une procédure collective ?
Si un motif correspondant existe et si les frais de procédure sont couverts par la masse des actifs, l’expert propose au tribunal de prononcer l’ouverture de la procédure. En l’absence de tout motif (ce qui est rare) ou si les frais de procédure ne sont pas couverts par la masse des actifs, l’ouverture de la procédure n’est pas prononcée. Dans le cadre de la procédure provisoire, la compétence fonctionnelle est attribuée au juge.
Le tribunal prononce l’ouverture de la procédure (pour autant que les conditions susvisées soient remplies) et nomme un administrateur judiciaire, auquel sont parallèlement transférés les pouvoirs de gestion et de disposition des biens. Les créanciers sont invités à faire valoir leurs créances et sûretés dans un délai donné (§ 28 InsO). Par ailleurs, le tribunal fixe des dates pour une audience d’examen et une audience de vérification.
Que se passe-t-il lors de l’audience d’examen ?
Il s’agit de la première audience de tenue d’une assemblée des créanciers. Préalablement à cette audience, l’administrateur judiciaire établit un état du patrimoine (§ 151 ff. InsO). Lors de l’assemblée des créanciers, il expose les motifs justifiant l’ouverture d’une procédure collective ainsi que la situation économique de la société et fait état de la possibilité d’une poursuite d’activité/d’un plan de redressement (§ 156 al. 1 InsO). L’assemblée des créanciers statue alors sur la poursuite de l’entreprise ou sur sa fermeture (liquidation) (§ 29 al. 1 phr. 1 InsO).
Les droits de vote lors de l’assemblée des créanciers sont accordés sur la base des totaux des créances non contestées par l’administrateur judiciaire ou par tout autre créancier titulaire d’un droit de vote (§ 77 al. 1 InsO). Un créancier titulaire d’une créance plus élevée bénéficie d’un droit de vote plus important qu’un créancier titulaire d’une créance d’un montant inférieur. Il n’est accordé aucun droit de vote au titre des créances de rang inférieur. Le scrutin lors duquel il doit être statué sur un plan de redressement ou sur la révocation de l’administrateur judiciaire est soumis à des règles particulières.
Comment les créanciers doivent-ils procéder pour déclarer leurs créances ?
Tout créancier doit déclarer ses créances auprès de l’administrateur judiciaire dans le délai imparti à cet effet, en joignant les justificatifs correspondants sous forme de documents écrits (§§ 174, 175 InsO). Le délai de déclaration est rendu public. Une déclaration de créances hors délai reste toutefois possible ; dans ce cas néanmoins, des frais peuvent être engendrés par une nouvelle audience de vérification rendue nécessaire, qui sont alors à la charge du créancier, ou bien le tribunal ordonne qu’il soit procédé à la vérification des créances dans le cadre de la procédure écrite (§ 177 al. 1 InsO).
Que se passe-t-il lors de l’audience de vérification ?
La vérification formelle des créances a lieu dans le cadre de l’audience de vérification qui se tient au tribunal chargé des procédures collectives. L’administrateur judiciaire procède au préalable à une vérification des créances sur la base des documents écrits qui lui ont été transmis afin que l’audience ne prenne pas trop de temps. Ainsi, en règle générale, l’audience de vérification a uniquement pour objet les créances contestées par l’administrateur judiciaire ou par un autre créancier.
Si les documents nécessaires ne sont pas produits au moment de la déclaration de créances, celles-ci risquent dans un premier temps d’être contestées par l’administrateur judiciaire, à tout le moins de manière « provisoire ». Le titulaire d’une créance contestée est exclu de tout versement.
De quels recours dispose un créancier en cas de contestation de sa créance ?
Si une créance fait l’objet d’une contestation de la part de l’administrateur judiciaire et si aucun accord ne peut être trouvé suite à l’audience de vérification, le créancier concerné a la possibilité d’entamer une action en constatation (§ 179 ff. InsO).
Comment se passe la vente des actifs/ la liquidation de l’entreprise ?
Si l’assemblée des créanciers décide de ne pas poursuivre l’activité de l’entreprise, l’administrateur judiciaire procède à la mise en vente de la masse des actifs (§ 159 InsO). La vente peut prendre la forme d’une vente de gré à gré de certains éléments d’actif par l’administrateur judiciaire ou par des agents mandatés à cet effet (« Verwerter »), voire d’une adjudication.
La cession de l’entreprise dans son ensemble ou d’un établissement de l’entreprise requiert l’approbation du comité des créanciers ou de l’assemblée des créanciers.
Comment se passe le recouvrement de créances ?
Fait également partie de la vente de la masse des actifs, au sens large, le recouvrement de créances à l’encontre de tiers débiteurs et/ou de débiteurs. Les débiteurs sont invités, au moment de l’ouverture de la procédure collective, à ne plus procéder à des paiements auprès du créancier (la société en redressement judiciaire), mais uniquement auprès de l’administrateur judiciaire.
Les transferts d’actifs opérés avant la date d’ouverture de la procédure collective peuvent-ils faire l’objet d’une contestation ?
Les transferts d’actifs effectués ou tolérés par le débiteur avant l’ouverture de la procédure collective peuvent faire l’objet d’une contestation de la part de l’administrateur judiciaire (§ 128 et suivants InsO) et donner lieu à une réintégration des actifs après l’ouverture de la procédure. Exemple : le débiteur a fait don d’un bien à un proche avant l’ouverture de la procédure collective.
Comment la masse des actifs est-elle répartie et comment la procédure collective est-elle clôturée ?
Si la masse des actifs est suffisante et si les dettes sur la masse sont payées, on procède à des répartitions du solde entre les créanciers. Il a lieu en général une répartition finale (§ 196 InsO) qui peut, dans certains cas particuliers et lorsque le patrimoine financier est suffisant, être précédée par une avance sur répartition (§ 187 al. 1 InsO). La répartition finale, effectuée sur la base d’un état final des actifs établi par l’administrateur judiciaire, a lieu en accord avec le tribunal (§ 196 InsO). En cas d’accord, le tribunal fixe la date pour une audience finale (§ 197 InsO) en vue de discuter de la facture finale de l’administrateur judiciaire et, le cas échéant, de former toutes réclamations concernant l’état final des actifs.
Ce n’est qu’à l’issue de cette étape que sont effectués les versements aux créanciers. La réalisation de la répartition finale marque la clôture de la procédure collective (§ 200 InsO). Dans de rares cas, il est encore procédé à des répartitions après l’audience finale si, contre toute attente, des actifs sont découverts (§ 203 InsO).
Après la clôture de la procédure collective régulière, il n’existe plus de patrimoine social et la société insolvable est alors radiée d’office du registre du commerce (§ 141a FGG, loi allemande sur les matières relevant de la juridiction gracieuse).