Licenciement d’un salarié en Allemagne : réception de la lettre de notification de licenciement et début du délai de 3 semaines pour intenter une action en contestation du licenciement
En Allemagne, tout salarié licencié dispose d’un délai de trois semaines à compter de la réception de la lettre de notification de licenciement pour introduire devant le tribunal du travail (« Arbeitsgericht ») compétent une demande tendant à faire constater le caractère abusif du licenciement. En raison de la brièveté de ce délai, nombre de litiges portés devant les juridictions allemandes compétentes en la matière portent sur la date effective de réception de la lettre de licenciement par le salarié.
Dans une affaire pendante devant la Cour fédérale du travail (Bundesarbeitsgericht, en abrégé « BAG »), un employeur sis en Allemagne avait fait déposer un vendredi, aux environs de midi, dans la boîte aux lettres d’un salarié domicilié dans le département du Bas-Rhin, près de la frontière allemande, un courrier lui notifiant son licenciement sans préavis (voir l’arrêt de la Cour fédérale du travail : BAG, 22.08.2019 - 2 AZR 111/19, BB 2019, 2612). La date exacte de réception de ce courrier par le salarié était un élément décisif pour déterminer si l’action en contestation du licenciement engagée auprès du tribunal du travail allemand l’avait effectivement été dans le délai de trois semaines. Si la lettre de licenciement avait bien été réceptionnée le samedi, la demande du salarié était recevable ; si elle avait été réceptionnée le vendredi, le délai était dépassé et la demande, en conséquence, irrecevable.
Selon le droit allemand, toute déclaration écrite de volonté remise en l’absence du destinataire est réputée réceptionnée par ce dernier dès lors qu’elle a été mise à sa disposition par les moyens usuels et que le destinataire a la possibilité, dans des circonstances habituelles, d'en prendre connaissance. La Cour fédérale de justice (Bundesgerichtshof, en abrégé « BGH ») a eu l’occasion de préciser à cet égard que, « lorsqu’un courrier est déposé dans la boîte aux lettres du destinataire, il est considéré comme réceptionné au moment où l’on peut s’attendre, selon les usages, à ce que le destinataire ait relevé son courrier » (voir p. ex. les arrêts de la Cour fédérale de justice : BGH, 5.12.2007 - XII ZR 148/05, NJW 2008, 843 ; BGH, 14.2.2019 - IX ZR 181/17, NJW 2019, 1151).
Au cas d’espèce, le tribunal du travail (Arbeitsgericht) et, en appel, le tribunal supérieur du travail (Landesarbeitsgericht, en abrégé « LAG ») avaient tous deux rejeté la demande du salarié, au motif que celui-ci avait reçu la lettre de licenciement dès le vendredi et que le délai de trois semaines à respecter pour saisir le tribunal du travail avait ainsi été dépassé. Le LAG avait motivé sa décision notamment par le fait que, dans des circonstances habituelles et conformément aux pratiques, on pouvait s'attendre à ce que le salarié vide sa boîte aux lettres encore avant 17 heures, postulant ainsi que les personnes actives relèvent normalement leur courrier en rentrant du travail.
La Cour fédérale du travail (BAG) a estimé, quant à elle, que le LAG avait ignoré, à tort, les conditions concrètes locales de distribution du courrier et qu’il y avait lieu de prendre également en considération les particularités régionales. Selon elle, il importait au final de savoir quand, selon les usages, le salarié était réputé avoir vidé sa boîte aux lettres.
Contrairement à la position défendue par le LAG, la Cour fédérale du travail estime que les horaires de travail habituels de la population ne permettent pas de tirer des conclusions sur les habitudes de relève du courrier. Selon elle, le LAG a omis de tenir compte de toute une série d’éléments essentiels :
- Les actifs représentent à peine la moitié de la population totale et beaucoup d’entre eux travaillent à temps partiel ou avec des horaires flexibles.
- Le demandeur ne résidant pas en Allemagne, mais dans un pays voisin, la France, il y avait lieu, s’agissant de la relève du courrier, de tenir compte des usages sur le territoire de la République française, et plus précisément dans le département du Bas-Rhin.
- En outre, le LAG a ignoré le fait que les personnes exerçant une activité rémunérée ne vivent pas toujours seules et que, par conséquent, leurs boîtes aux lettres pouvaient également être vidées par d'autres membres du foyer avant la fin de la journée de travail.
- Enfin, le demandeur a été licencié sans préavis et ne fait donc plus partie de la population active.
L'affaire n'étant pas encore en état d’être jugée, la Cour fédérale du travail n'a pas été en mesure de trancher. Elle a donc renvoyé l'affaire au LAG pour fixation d’une nouvelle audience en lui adressant différentes observations. Le LAG doit maintenant déterminer les habitudes de relève du courrier dans la zone géographique concernée, à savoir le département du Bas-Rhin.
Notre équipe se tient à votre disposition pour toute information complémentaire à ce sujet.
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