Mémo : La rupture du contrat de travail en Allemagne
Un contrat de travail allemand prend fin dans les situations suivantes :
- Licenciement
- Démission
- Terme du CDD
- Rupture d‘un commun accord
A défaut de stipulations contractuelles, une démission du salarié est possible sans motif et avec un délai de préavis de quatre semaines.
Etant donné qu’en cas de démission ou de rupture d‘un commun accord, le délai de carence pour que le salarié puisse bénéficier des prestations de l‘assurance chômage est de 12 semaines, la rupture du contrat de travail en Allemagne intervient le plus souvent par licenciement.
Le licenciement (« Kündigung ») d’un salarié en Allemagne
Le licenciement d’un salarié employé en Allemagne n’est pas aussi strictement règlementé qu’en France.
Si l’entreprise n’emploie pas plus de 10 salariés, elle peut licencier un salarié librement sans indication de motif.
Pour les entreprises de plus de 10 salariés la « loi sur la protection contre les licenciements sans motif réel » (« Kündigungsschutzgesetz ») s’applique. Néanmoins, cette loi ne protège que les salariés ayant une ancienneté d’au moins 6 mois. Elle prévoit qu’un motif de licenciement doit exister pour justifier un licenciement.
Remarque : Comme en France il y a des catégories de salariés protégés où les possibilités de licenciement sont très restreintes. Il s’agit essentiellement des personnes suivantes :
- Femmes enceintes
- Personnes en congé parental
- Personnes gravement handicapées (autorisation d’une autorité spécifique)
- Membres du comité d‘entreprise
- Apprentis
- Délégués à la protection des données
Les motifs de licenciement
Tout employeur peut licencier un salarié allemand pour un des motifs suivants :
- Motif lié au comportement du salarié (« verhaltensbedingte Kündigung »)
- Motif inhérent à la personne du salarié (« personenbedingte Kündigung »)
- Motif économique (« betriebsbedingte Kündigung »)
- Motif important / faute grave (« wichtiger Grund»)
Exemples de motifs liés au comportement du salarié :
- Absence injustifiée,
- Retards répétés,
- Remise tardive du certificat médical,
- Départ en congés du salarié de sa propre initiative,
- Commission d'un délit,
- Violation de l'interdiction de fumer ou de consommer de l'alcool,
- Utilisation de l'internet à des fins privées malgré l'interdiction,
- Refus de travailler,
- Exercice non autorisé d'une activité professionnelle secondaire.
En cas de présence d’un tel motif, le salarié doit faire l'objet au préalable d'un avertissement écrit.
Motif inhérent à la personne du salarié : La loi relative à la protection contre le licenciement considère un licenciement comme „socialement injustifié“, et ainsi abusif, si le licenciement ne repose pas sur un motif inhérent à la personne du salarié. La loi ne définit pas plus précisément cette notion.
Les tribunaux ont jugé à cet égard qu'il doit s'agir d'une circonstance en lien avec les caractéristiques et/ou les capacités du salarié. Ont été retenus comme motif inhérent à la personne du salarié justifiant un licenciement les exemples suivants :
- Maladie
- Alcoolisme relevant d'une pathologie
- Interdiction d'exercer un emploi à défaut de permis de séjour
- Retrait du permis de conduire pour les chauffeurs de poids lourds
Motif économique: Un licenciement pour motif interne à l'entreprise (« betriebsbedingte Kündigung ») ou licenciement pour motif économique (« Kündigung aus wirtschaftlichen Gründen ») requiert tout d'abord la suppression du poste de travail du salarié concerné.
La suppression du poste de travail repose en général sur les motifs suivants :
- Restructuration de l'établissement
- Rationalisation
- Externalisation de certains services
Contrairement à la France, il n'est pas impératif que l'établissement connaisse des difficultés financières. Par conséquent, un plan de restructuration et de réorganisation afin de réduire les coûts peut suffire.
Précisions : 1. L'employeur a l'obligation de rechercher une possibilité de reclassement du salarié au sein de l'établissement ou de l'entreprise à laquelle appartient l'établissement et de proposer au salarié tout poste de travail qui serait disponible.
2. L'employeur ne peut recourir au licenciement pour motif économique qu'en dernier ressort (principe de „l'ultima ratio“). Il est en outre exigé de sa part qu'il s'efforce dans un premier temps d'éviter un licenciement économique par toutes autres mesures (telles que p. ex. une mutation, une reconversion ou une formation).
3. L'employeur, qui se voit dans l'obligation de licencier un ou plusieurs de ses salariés pour motif économique, doit en dernier lieu sélectionner les salariés à licencier sur la base de critères sociaux dès lors que plusieurs salariés exercent une activité similaire.. Ainsi, le salarié à licencier est celui qui bénéficie de la moins grande protection contre le licenciement. Pour déterminer ce salarié, l'employeur doit comparer les caractéristiques sociales des salariés concernés (âge, ancienneté, charges de famille, handicap lourd).
Motif important («faute grave»): La résiliation extraordinaire (« außerordentliche Kündigung ») est aussi appelée résiliation sans préavis (« fristlose Kündigung ») ou résiliation pour motif grave (« Kündigung aus wichtigem Grund »). Ce mode de résiliation met fin à la relation de travail sans préavis, c'est-à-dire du jour au lendemain, dans la mesure où l'employeur (ou le salarié – selon la partie à l'origine de la résiliation) ne peut plus raisonnablement continuer, ne serait-ce qu'un jour de plus, à collaborer avec l'autre partie.
Indemnité de licenciement
Contrairement au droit français, l’indemnité de licenciement en tant que telle n’existe pas en Allemagne. Si, dans le cadre d’une procédure devant un tribunal allemand, les parties, dans le cadre d’une transaction, ne s’accordent pas sur le versement d’une indemnité de licenciement, l’employeur allemand ne peut en principe pas être condamné au versement d’une indemnité.
En pratique, dans le cadre d’une transaction homologuée par le tribunal, les juges utilisent souvent la formule suivante : 1 année d’ancienneté = ½ salaire mensuel brut.
La forme et la procédure du licenciement
Les points essentiels à retenir en matière de forme et de procédure du licenciement selon le droit allemand sont les suivants :
- Pas d'entretien préalable obligatoire
- Consultation du comité d‘entreprise (s’il existe)
- Forme écrite du courrier de licenciement+ signature par le gérant ou le chef du personnel
- Pas d'obligation d'indiquer les motifs du licenciement
- Importance de la preuve de la notification
La résiliation des contrats de travail en Allemagne requiert la forme écrite. Cette exigence de la forme écrite n’est remplie que si la notification du licenciement est signée par l’employeur ou son représentant.
Une convention collective, un règlement intérieur ou le contrat de travail peuvent prévoir que la notification du licenciement doit être faite par lettre recommandée. Cette prescription de forme a pour but de faciliter la preuve de l’envoi du licenciement. Même si cette exigence de forme n’est pas remplie, dès lors que le licenciement est notifié par écrit, celui-ci sera valable.
Précisions : Si la lettre de licenciement est signée par un représentant de la société, la qualité du représentant doit être clairement indiquée dans ce document. Le fait que le signataire soit dûment habilité à cette fin ou pas n’a aucune incidence automatique sur la validité du licenciement. Si le salarié licencié doute de l’habilitation valable du signataire, il peut immédiatement contester le licenciement. Par ailleurs, un simple paraphe d’un nom abrégé ne répond pas à l’exigence de la forme écrite. De plus, la signature électronique ne répond pas à l’exigence de la forme écrite. Conformément à l’article 623 du code civil allemand, la forme électronique est exclue pour les licenciements et les ruptures conventionnelles. Les licenciements ne revêtant pas la forme écrite ne sont pas valables.
Le contenu de la lettre de licenciement
Le licenciement doit être sans équivoque et viser la rupture du contrat de travail. Par contre, il n’est pas nécessaire de mentionner expressément le mot « licencier » dans la lettre de licenciement.
Cette dernière doit faire apparaître, de manière claire et non-équivoque, le moment auquel le contrat de travail prendra fin.
Précisions : 1. En règle générale, il suffit d’indiquer la date de fin du contrat ou la durée du préavis. Selon la jurisprudence, il suffit aussi d’indiquer les délais de préavis légaux, dans la mesure où ces indications permettent au destinataire de la notification du licenciement de déterminer facilement la date à laquelle le contrat de travail prendra fin.
2. Le contrat ne peut être résilié que dans son intégralité ; un licenciement partiel est sans effet.
3. Si l’employeur ou le salarié souhaitent modifier seulement certaines conditions de travail, le contrat de travail doit faire l’objet d’un licenciement avec en même temps une proposition de modification du contrat de travail (« Änderungskündigung »).
Contrairement à la France, il n’existe pas d’obligation d’indiquer le motif du licenciement dans la lettre de licenciement. C’est uniquement en cas de contestation du licenciement devant le tribunal que l’employeur allemand devra indiquer le motif du licenciement. Le tribunal du travail (« Arbeitsgericht ») vérifiera alors la réalité du motif de licenciement.
La réception du courrier de licenciement par le salarié
L’employeur doit être en mesure de prouver que le salarié a réceptionné la lettre de licenciement. En pratique, il n’est pas rare que des salariés licenciés prétendent ne pas avoir reçu leur lettre de licenciement.
Une lettre de licenciement est réputée avoir été portée à la connaissance du salarié et donc réceptionnée par ce dernier dès lors qu’elle a été délivrée de manière à ce que cette personne puisse en prendre connaissance dans des conditions normales.
Le licenciement peut être notifié à tout moment et en tout lieu, également en dehors de l’entreprise et ce même avant la date de début du contrat de travail. La réception du courrier de licenciement ne revêt aucune forme précise. En cas de refus injustifié de la part du salarié de réceptionner la lettre de licenciement, il sera considéré que le salarié a réceptionné le courrier de licenciement de manière conforme aux exigences légales.
Précisions : 1. En cas de remise en main propre d’une notification de licenciement, le licenciement est réputé réceptionné au moment de la remise. Néanmoins, en cas de litige, il ne suffit pas que le gérant puisse témoigner avoir lui-même remis la lettre. Il est vivement conseillé de faire recours à une deuxième personne qui sera présente lors de la remise de la lettre et qui pourra, le cas échéant, en témoigner.
2. En cas d’envoi par la poste (dépôt dans une boîte aux lettres ou dans une boîte postale), la lettre de licenciement est réputée réceptionnée au moment où la boîte aux lettres ou la boîte postale est habituellement vidée. Une lettre de licenciement envoyée à l’adresse personnelle du salarié est, selon la jurisprudence, considérée comme réceptionnée, même si l’employeur a été informé que le salarié part en voyage pendant ses congés.
3. Une lettre recommandée n’est considérée comme délivrée qu’au moment de la remise effective du courrier par la poste au salarié. . Ainsi, la réception de la lettre de licenciement peut être considérablement retardée en cas d’’envoi en lettre recommandée.
4. Si un membre de la famille du salarié absent pouvant être considéré comme personne habilitée à recevoir la correspondance de ce dernier refuse de réceptionner la lettre de licenciement, cette dernière est réputée réceptionnée par le salarié si ce dernier a influencé le refus par le membre de la famille de réceptionner la lettre.
5. Lorsque le dernier jour auquel un licenciement devant obligatoirement être notifié (afin de ne pas prolonger le préavis ou de rompre un CDI encore pendant la période d’essai) tombe un dimanche, un jour officiellement férié ou un samedi, l’employeur doit faire le nécessaire pour que la lettre de licenciement soit réceptionnée le jour ouvrable précédent ou, si ceci n’est pas possible, de faire livrer la lettre le samedi, le dimanche ou le jour férié, le cas échéant, par coursier.
6. Un licenciement peut également être valablement notifié au salarié pendant son arrêt de travail pour maladie.
7. Lorsque le licenciement a été notifié, l’employeur ne peut pas le révoquer de manière unilatérale. Une révocation du licenciement doit être considérée comme une proposition
de la personne à l’origine du licenciement de poursuivre l’ancienne relation de travail ou de conclure un nouveau contrat de travail. La personne à laquelle le licenciement a été notifié peut accepter ou refuser cette proposition. La proposition peut aussi être acceptée implicitement en poursuivant ou reprenant le travail d’un commun accord.
Les préavis légaux en Allemagne
Sauf stipulation contraire dans le contrat de travail ou dans une convention collective, les préavis légaux suivants sont à respecter par l’employeur :
Durée de validité du contrat | Préavis légal |
< 2 ans | quatre semaines pour le 15 ou la fin d'un mois calendaire |
≥ 2 ans | un mois à fin d'un mois calendaire |
≥ 5 ans | deux mois à fin d'un mois calendaire |
≥ 8 ans | trois mois à fin d'un mois calendaire |
≥ 10 ans | quatre mois à fin d'un mois calendaire |
≥ 12 ans | cinq mois à fin d'un mois calendaire |
≥ 15 ans | six mois à fin d'un mois calendaire |
à partir de 20 ans | sept mois à fin d'un mois calendaire |
Remarque : Sauf stipulation contraire dans le contrat de travail, le délai de préavis de démission du salarié est toujours de 4 semaines. Si l’entreprise souhaite que le salarié soit soumis aux mêmes délais qu’elle-même, il faudra le stipuler dans le contrat de travail.
Délai de 3 semaines pour l’introduction d’une demande tendant à faire constater le caractère abusif du licenciement
Un salarié allemand qui a été licencié dispose de trois semaines à compter de la réception de la lettre de licenciement pour introduire devant le tribunal du travail (« Arbeitsgericht ») compétent une demande tendant à faire constater le caractère abusif de son licenciement. Si le salarié n’a pas introduit une demande pendant ce délai de 3 semaines, le licenciement ne pourra plus être contesté. Ce bref délai allemand de contestation judiciaire du licenciement est une des différences importantes en la matière par rapport au droit social français.
Consultation du comité d’entreprise
Contrairement à la France, la loi allemande ne prévoit pas d’initiative obligatoire de la part de l’employeur pour créer un comité d’entreprise au-delà de certains seuils d’effectif. C’est aux salariés d’initier la création d’un CE ; ce qui est possible à partir de 5 salariés.
Si la société allemande dispose d’un comité d’entreprise, celui-ci doit être entendu avant tout licenciement.
Un licenciement prononcé sans consultation préalable du comité d’entreprise est sans effet, que ce soit un licenciement « ordinaire » ou un licenciement pour faute grave ou lourde. Toutefois, l’approbation du licenciement par le comité d’entreprise n’est pas nécessaire : Même si le comité d’entreprise émet des réserves quant au licenciement ou s’y oppose, le licenciement pourra toutefois être prononcé.
L’employeur doit communiquer au comité d’entreprise les motifs du licenciement prévu. En cas de licenciement pour motif économique, il doit également lui indiquer les critères d’ordre sur la base desquels le salarié est désigné comme salarié à licencier.
En cas des réserves émises relatives à un licenciement ordinaire (« ordentliche Kündigung »), le comité d’entreprise doit les communiquer à l’employeur dans le délai d’une semaine. À défaut, l’accord du comité d’entreprise est réputé acquis.
Si le comité d’entreprise soulève des objections à l’encontre d’un licenciement pour faute grave ou lourde (« ausserordentliche Kündigung »), il doit en informer l’employeur par écrit sans délai, donc sans retardement fautif et, en tout état de cause dans les 3 jours au plus tard.
Précisions : 1. En présence d’un ou plusieurs motifs précis énumérés par la loi, le comité d’entreprise peut contester un licenciement pour motif « ordinaire » pendant une semaine. Si l’employeur prononce le licenciement malgré l’opposition du comité d’entreprise en raison d’un des 5 motifs nommés par la loi, l’employeur doit remettre au salarié en même temps que le licenciement une copie de l’avis du comité d’entreprise. Si le licenciement est valablement contesté par le comité d'entreprise dans les délais prévus à ce sujet et que sa validité est contestée en justice par le salarié, ce dernier doit, à sa demande, être réintégré à son poste de travail sous des conditions de travail non modifiées jusqu’à la fin définitive de la procédure judiciaire. Le tribunal peut toutefois libérer l'employeur, à la demande de ce dernier, de cette obligation lorsque la demande du salarié de contester la légalité du licenciement paraît vouée à l'échec ou lorsque l'employeur subit de ce fait un préjudice économique ou si l'opposition formulée par le comité d'entreprise est manifestement infondée.
2. Avant de prononcer le licenciement d’un cadre, et si l’entreprise dispose d’un comité des délégués des cadres supérieurs (« Sprecherausschuss »), l’employeur doit l’entendre et lui communiquer les motifs du licenciement. Un licenciement qui a été prononcé sans avoir entendu ce comité n’est pas valable. Ce comité dispose des mêmes délais que le comité d’entreprise pour contester le licenciement envisagé.
Congés
En cas de licenciement, tout employeur a la possibilité d'éviter d'indemniser les jours de congés
- en libérant le salarié de son obligation de travail (« dispense », « Freistellung » en allemand) pendant la durée du préavis et
- en déduisant le nombre de jours de congés payés encore dû de la période de préavis.
Déclaration imminente d’inscription en tant que demandeur d’emploi
L’employeur doit informer le salarié avant la fin du contrat de travail de son obligation de chercher lui-même activement un autre emploi et de l’obligation de se déclarer, dans les délais légaux, comme demandeur d’emploi, et ce personnellement, auprès de l’agence pour l’emploi (« Agentur für Arbeit ») compétente. L’employeur doit libérer le salarié de son obligation de travail afin qu’il puisse se rendre à l’agence pour l’emploi. Le manquement de l’employeur à cette obligation d’information ne peut pas donner lieu à un versement de dommages et intérêts au salarié.
Notre cabinet se tient à votre entière disposition pour vous fournir de plus amples informations à cet égard.