Pouvoir de direction de l’employeur en Allemagne : Une mesure de mutation injuste doit-elle être respectée par le salarié ?
Dans un arrêt qui a suscité un vif intérêt, la Cour fédérale du travail semble désormais faire évoluer sa position quant au caractère obligatoire des directives de l’employeur vis-à-vis de ses salariés. Selon cet arrêt, en effet, les salariés n’auront très probablement à l’avenir l’obligation de se conformer à tout le moins aux « directives injustes » de l’employeur que s’il existe une décision définitive d’un tribunal du travail. Jusque là, la jurisprudence défendait précisément l’avis contraire, à savoir que le salarié devait se conformer provisoirement à une mesure de mutation même prise injustement à son encontre par l’employeur jusqu’à ce qu’un jugement définitif soit rendu.
Même les mesures de mutation injustement prises par l’employeur doivent être respectées par le salarié jusqu’à ce qu’un jugement définitif soit rendu. Cet avis critiqué de la Cour fédérale du travail sur la question du pouvoir de direction de l’employeur, la 10ème Chambre de la Cour fédérale semble désormais pouvoir la modifier, suite à une nouvelle ordonnance rendue par la 5ème Chambre.
Dès lors qu’une directive de l’employeur n’est pas inapplicable pour tout autre motif, tout salarié se doit dans un premier temps de s’y conformer – tout au moins jusqu’à ce qu’une juridiction rende une décision définitive constatant que la directive donnée n’est pas obligatoire. C’est ce que la 5ème Chambre de la Cour fédérale du travail avait décidé en 2012 déjà (arrêt du 22 février 2012, numéro de référence 5 AZR 249/11, NJW 2012, 2605). D’après cette décision, le salarié ne peut pas simplement passer outre l’exercice injuste du pouvoir de direction. Une directive injuste de l’employeur ne serait pas caduque, mais uniquement non obligatoire. La question de savoir si le caractère obligatoire de la directive est contesté ou pas relève de l’appréciation souveraine des juges.
Cette interprétation du droit très critiquée, la 10ème Chambre de la Cour fédérale du travail entend désormais la faire évoluer sur la base d’un cas actuel. De l’avis de la 10ème Chambre, un salarié n’a pas l’obligation de se conformer, même temporairement, à une directive injuste de son employeur en l’absence de toute décision de justice définitive d’un tribunal du travail.
En raison des interprétations du droit divergentes des différentes Chambres, la 10ème Chambre n’a pas encore pu statuer sur le pourvoi en cassation. Les juges ont demandé à la 5ème Chambre si elle maintenait sa position (§ 45 al. 3 phrase 1 de la loi allemande sur les tribunaux du travail). Celle-ci a entre-temps exposé sa vision des choses, rendant possible une modification de son interprétation en cas d’instructions injustes de la part de l’employeur. Répondant à la demande de la 10ème Chambre, les juges ont indiqué que la Chambre ne maintenait plus cette interprétation. L’avis contraire de la 5ème Chambre ayant disparu, la 10ème Chambre peut finalement statuer – en toute probabilité dans le sens que les salariés ne sont pas tenus de se conformer aux instructions injustes de l’employeur jusqu’à ce qu’une décision de justice définitive soit rendue constatant le caractère injuste de cette instruction.