Conclusion de contrats de travail à durée déterminée (CDD) sans motif objectif en Allemagne
4 juin 2020
Contrairement à la France, il est possible en Allemagne de conclure un ou plusieurs Contrats de travail à Durée Déterminée (CDD) sur une période maximale de 2 ans sans indication de motif et de renouveler un CDD 3 fois dans la limite des 24 mois (« sachgrundlose Befristung »).
A l’expiration du terme convenu, aucune indemnité de précarité n’est due au salarié et il est même possible de procéder à la rupture anticipée d’un CDD dès lors que cette option a été convenue au préalable entre les parties.
Toutefois, aux termes de la loi allemande sur le temps partiel et les contrats de travail à durée déterminée (« Teilzeit- und Befristungsgesetz »), il est interdit d’embaucher des salariés dans le cadre de CDD successifs au-delà de cette période de 2 ans, c'est-à-dire sur une période totale supérieure à 24 mois, en l’absence de tout motif objectif.
Par le passé, la Cour fédérale du travail (« Bundesarbeitsgericht », en abrégé BAG) avait toujours jugé, dans le cadre d’une jurisprudence constante, que cette interdiction de réembauche (« Vorbeschäftigungsverbot ») ne s'appliquait que si l’emploi antérieur chez le même employeur ne remontait pas à plus de 3 ans.
Ainsi, si un salarié avait déjà occupé un poste chez un employeur allemand il y a plus de 3 ans, celui-ci pouvait sans problème conclure avec ce salarié un nouveau CDD sur une période maximale de 2 ans, sans avoir à le justifier par un motif objectif. Selon un arrêt de la Cour constitutionnelle allemande, cela n'est désormais plus possible (voir arrêt de la Cour constitutionnelle allemande : BVerfG arrêt du 6.6.2018, 1 BvR 1375/14). Pour les entreprises présentes outre-Rhin, cela est synonyme de moins de sécurité juridique.
Pour la Cour constitutionnelle allemande, l'interprétation actuelle de la Cour fédérale du travail ne correspond plus, dans l’esprit et dans la lettre, à la volonté du législateur, le délai de 3 ans étant en contradiction avec la Loi fondamentale. Selon la Cour constitutionnelle allemande, le législateur allemand entendait, par l’interdiction faite à tout employeur de réembaucher en CDD sans motif objectif de recours une personne ayant déjà travaillé pour lui, protéger "les employés structurellement soumis à l'employeur contre la conclusion en chaîne de CDD et, dans le même temps, garantir le CDI comme forme d'emploi standard".
Toutefois, des exceptions à l'interdiction de réembauche devraient continuer à être reconnues en Allemagne.
Dans sa décision, la Cour constitutionnelle allemande a en effet confirmé la possibilité de déroger à toute interdiction générale de réembauche - mais d'une manière différente de ce que la Cour fédérale du travail prévoyait jusqu’à présent. Ainsi, par exception, les tribunaux du travail ont la possibilité et l’obligation de continuer à accepter la conclusion d’un CDD sans motif objectif suite à une embauche préalable dès lors qu’il n’existe aucun risque que l’employeur prévoit des CDD à la chaîne - profitant ainsi de l’état de subordination des employés - ou dès lors que le CDI demeure la forme d'emploi standard chez cet employeur. Par la décision qu’elle vient de rendre, la Cour constitutionnelle allemande a également fourni aux tribunaux du travail allemands une liste d’exceptions à l'interdiction de réembauche, comme par exemple si l’emploi antérieur remonte à une période lointaine, s’il était de nature complètement différente ou de très courte durée.
Plus précisément, il pourrait s’agir des cas de figure suivants :
- certaines activités secondaires mineures exercées pendant les cursus scolaire et universitaire ou pendant les périodes de la vie professionnelle consacrées à la famille,
- les activités des étudiants salariés, ou
- l'emploi remontant à une période lointaine de personnes qui, par la suite, se réorientent complètement sur le plan professionnel.
Pour les employeurs outre-Rhin, la décision de la Cour constitutionnelle allemande devrait avoir un impact majeur.
Les exceptions ainsi mentionnées par la Cour se révèlent très peu concrètes par rapport à la jurisprudence antérieure de la Cour fédérale du travail. Il est maintenant plus difficile pour les chefs d’entreprise allemands d'évaluer à combien de temps un éventuel emploi antérieur peut remonter (en tout état de cause à plus de trois ans) ou quel type d’emploi antérieur peut être considéré comme un cas d’exception autorisé. Le délai non équivoque de 3 ans constituait, à coup sûr, une mesure plus simple à cet égard.
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