Droit du travail en Allemagne : prime en cas de retard dans la fixation des objectifs par l'employeur
Les contrats de travail allemands prévoient souvent des rémunérations variables qui dépendent de la réalisation de certains objectifs.
En principe, il est fortement recommandé de définir les modalités d'une rémunération variable de manière aussi détaillée que possible dans le contrat de travail ou dans une annexe au contrat de travail. Des accords peu clairs en matière de primes donnent souvent lieu à des litiges, notamment lors de la fin des relations de travail, les juges du travail allemands interprétant régulièrement les clauses de primes peu claires en faveur du salarié.
La définition des objectifs à atteindre par le salarié peut par exemple se faire dans le cadre d'une convention d'objectifs (« Zielvereinbarung »), c'est-à-dire d'un accord bilatéral régulier - généralement annuel - entre l'employeur et le salarié. Là encore, en cas de litige, les conventions d'objectifs peu claires et les conventions d'objectifs non conclues, c'est-à-dire "oubliées" par exemple, sont à la charge de l'employeur selon la jurisprudence des tribunaux du travail allemands.
Le contrat de travail peut également prévoir que l'employeur peut fixer unilatéralement des objectifs en toute équité dans le cadre d'une définition d'objectifs (« Zielvorgabe »). Un tribunal régional du travail allemand a récemment rendu un nouveau jugement à ce sujet et a décidé ce qui suit (LAG Köln, 6.2.2024 - 4 Sa 390/23, BeckRS 2024, 4209) :
Si un objectif est fixé si tardivement lors de l'exercice concerné qu'il ne peut plus remplir utilement sa fonction d'incitation, il doit être traité comme s'il n'avait jamais été fixé. En tout état de cause, doit être considéré comme tardif, l’objectif fixé alors que plus des trois quarts de l'exercice en cours sont déjà écoulés.
Dans l'affaire jugée, et conformément à un accord d’entreprise portant sur le modèle de rémunération conclu au sein de l’entreprise, le salarié demandeur devait recevoir de l'employeur, avant le 1er mars de l'année civile, un objectif à discuter préalablement avec lui.
L’employé avait démissionné de son contrat de travail pour le 30 novembre 2019, le 21 novembre 2019 étant son dernier jour de travail. Le salarié qui avait démissionné a estimé que la fixation des objectifs de l'entreprise pour 2019 était tardive, formellement inefficace et entachée d'une erreur d'appréciation. Il estimait donc avoir droit à des éléments de rémunération variable non encore versés pour 2019.
Le tribunal du travail allemand avait rejeté la demande du salarié en première instance. Selon les juges du tribunal du travail, l'employeur pouvait encore fixer les objectifs pour l'année 2019 pendant la période de réalisation des objectifs, au plus tard à l'automne 2019. Comme la période de réalisation des objectifs n'avait pas encore expiré, la fixation des objectifs n'était pas devenue impossible et pouvait encore avoir lieu.
Le tribunal régional du travail, saisi en deuxième instance, a toutefois jugé la situation juridique différemment : le salarié peut demander des dommages et intérêts à son employeur dans la mesure où une fixation unilatérale des objectifs était devenue impossible en raison de sa tardiveté. Le tribunal s'est pour cela référé à la jurisprudence établie de la Cour fédérale du travail, qui part du principe que l’établissement d’une convention d'objectifs n'est plus possible après expiration de la période pendant laquelle un employeur doit convenir des objectifs avec un salarié. Jusqu'alors, la Cour fédérale du travail n'avait apporté aucune précision concernant le cas où l'employeur est tenu de fixer unilatéralement des objectifs, comme c'était le cas en l’espèce, mais que ceux-ci ne sont pas fixés pendant la période de réalisation des objectifs et si l'impossibilité justifiant une demande de dommages-intérêts peut survenir avant l'expiration de la période de réalisation des objectifs, c'est-à-dire, en cas de conclusion d'une convention d'objectifs, vers la fin de la période de réalisation des objectifs ou à un moment où le but d'améliorer les performances et la motivation ne peut plus être atteint pour d'autres raisons. Selon les juges du tribunal régional du travail, l'absence de fixation d'objectifs pendant la période de réalisation des objectifs, contrairement aux obligations de l’employeur et par sa faute, ouvre la possibilité au salarié de faire valoir des dommages et intérêts, au même titre qu'une convention d'objectifs non conclue contrairement aux obligations de l’employeur et par sa faute. Si un objectif est fixé si tardivement pendant l’exercice en cours qu'il ne peut plus remplir sa fonction d'incitation, il doit être traité comme s'il n'avait jamais été fixé. En tout état de cause, on peut considérer qu’une fixation est tardive lorsque plus des trois quarts de l’exercice en cours sont déjà écoulés
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