Employeurs en Allemagne : mutation d'un salarié et codécision du comité d'entreprise
15 mars 2022
En Allemagne, la mutation d'un salarié soulève deux questions distinctes : quelles sont les dispositions du contrat de travail en la matière ? L'accord du comité d'entreprise est-il nécessaire ?
Que doit prévoir le contrat de travail en Allemagne concernant la mutation d'un salarié ?
En principe, selon le droit du travail allemand, ce sont les dispositions individuelles du contrat de travail qui déterminent si l'employeur peut user de son droit de direction pour ordonner unilatéralement une mutation. En effet, le contrat de travail peut permettre une telle mesure mais le domaine d'activité du salarié peut toutefois y être décrit de telle sorte que la mutation ne peut se faire qu'avec l'accord de celui-ci ou par le biais de ce que l'on appelle une « Änderungskündigung », c'est-à-dire une rupture du contrat de travail en vue d'en établir un nouveau avec des conditions différentes.
Pour l'employeur, il est donc préférable de prévoir dans le contrat de travail des dispositions pour se réserver la possibilité de muter le salarié vers un autre lieu d'activité (au sein du territoire allemand) ou vers un autre domaine d'activité comparable.
Cependant, même s’il peut exercer un droit de direction unilatéral sur la base de telles dispositions du contrat de travail, l’employeur reste tenu de motiver la mutation par une raison objective et de procéder à une mise en balance des intérêts, en vertu du principe de l'équité. Il doit donc, dans la mesure du possible, tenir compte des préjudices particuliers causés au salarié par sa décision.
Quand le comité d'entreprise doit-il être inclus dans une décision de mutation ?
Si l'entreprise concernée a un comité d'entreprise, celui-ci dispose en principe d'un droit de codécision en ce qui concerne les mutations. Selon le droit du travail collectif allemand, c'est le cas lorsqu'un comité d'entreprise est élu dans une entreprise comptant généralement plus de 20 salariés ayant droit de vote.
L'employeur doit alors, avant toute mutation :
- en aviser le comité d'entreprise,
- lui fournir les documents nécessaires,
- lui fournir des renseignements sur la personne du salarié et
- lui demander son accord pour la mutation.
Cela signifie que, même si le contrat de travail du salarié lui permet d'ordonner une mutation, l'employeur doit toujours demander l'accord du comité d'entreprise au préalable. Il ne peut ordonner une mutation autorisée par le contrat de travail qu'une fois que cet accord a été donné par le comité d'entreprise.
Qu'entend-on par « mutation soumise à codécision » dans le droit du travail collectif allemand ?
Le droit du travail allemand définit la mutation soumise à codécision du comité d'entreprise comme suit : « L'attribution d'un autre poste de travail, pour une durée prévisible de plus d'un mois ou impliquant un changement important des conditions dans lesquelles le travail doit être effectué » (§ 95, alinéa 3 de la loi allemande sur l’organisation interne des entreprises). Une exception s'applique aux « salariés qui, en raison de la nature de leur contrat de travail, ne travaillent pas de façon permanente à un poste de travail déterminé », par exemple les commerciaux ou les techniciens de service qui sont régulièrement en déplacement. Pour cette catégorie de salariés, l'attribution de différents postes de travail par l'employeur n'est pas considérée comme une mutation.
Cette définition légale n'étant pas très claire, les tribunaux ont établi une jurisprudence très circonstanciée à ce sujet, aussi est-il souvent difficile pour un entrepreneur de savoir si le comité d'entreprise doit être impliqué ou non dans une mutation.
Ainsi, selon un arrêt de la Cour fédérale du travail, le comité d'entreprise doit toujours participer à la décision lors d'une mutation au sein de l'entreprise « lorsque l'activité est similaire avant et après la mutation, mais qu'elle est néanmoins caractérisée par une modification des conditions de travail (environnement de travail, collègues et supérieurs hiérarchiques différents) dans une autre unité du même établissement » (référence du jugement : BAG, 29.02.2000 - 1 ABR 5/99 - NZA 2000, 1357).
En revanche, dans une affaire où, en raison de travaux de rénovation, deux départements d’une entreprise ont été transférés dans un autre bâtiment à trois kilomètres de leur lieu de travail habituel et où seuls les trajets quotidiens et l'environnement proche des bureaux ont changé pour les salariés, la Cour fédérale du travail a décidé que l’approbation du comité d’entreprise n’était pas nécessaire (référence du jugement : BAG, 27.6.2006 - 1 ABR 35/05 - NZA 2006, 1289).
Par ailleurs, dans une affaire récente jugée par le tribunal du travail de Nuremberg, trois salariés avaient été envoyés travailler dans la même ville, dans des bâtiments distants de 12 km de leur lieu de travail habituel. Là non plus, les tâches, les responsabilités ou l'intégration organisationnelle des salariés n'ont pratiquement pas été modifiées. Cependant, le tribunal a décidé que le changement de lieu de travail nécessitait l'approbation du comité d'entreprise (référence du jugement : LAG Nürnberg, 10.5.2021, 1 TaBV 3/21- BB 2021, 2931). Certes, les juges ont conclu que le contenu de l'activité avait si peu changé que cela ne représentait pas une mutation au sens de la loi allemande sur l’organisation interne des entreprises. Toutefois, le lieu d'affectation des salariés se trouvait à 12 km de leur lieu de travail habituel et bien que les deux sites soient accessibles par les transports publics, ils sont desservis par des lignes complètement différentes. C’est pour cette raison que le changement a été qualifié de mutation soumise à accord du comité d'entreprise. En effet, le tribunal a considéré que la mutation impliquait une modification substantielle des circonstances dans lesquelles le travail devait être effectué, au sens de la loi sur l'organisation des entreprises.
En raison de la diversité de la jurisprudence en la matière, il est recommandé de demander l'accord du comité d'entreprise, s’il y en a un, avant toute mutation vers un autre lieu d'activité.
Ce qu'il faut retenir à propos de la mutation d'un salarié en Allemagne
Quand un employeur envisage la mutation d'un salarié en Allemagne, que l'accord d'un comité d'entreprise soit nécessaire ou non, il doit toujours commencer par :
- vérifier si le contrat de travail lui permet d'user de son droit de direction en vue de la mutation,
- vérifier s'il existe une raison objective pour la mutation et
mettre en balance ses propres intérêts avec ceux du salarié.
Notre équipe reste à votre disposition pour toute question à ce sujet.
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