Le rachat d’une entreprise en difficulté en Allemagne
18 juin 2020
Le rachat d’une entreprise allemande en difficulté peut être l’opportunité pour une entreprise française de reprendre un concurrent allemand, de pénétrer le marché allemand ou de se rapprocher géographiquement de ses clients allemands. Un tel rachat s’opère, en règle générale, dans le cadre d’un redressement par cession d’actifs (« übertragende Sanierung »), c’est-à-dire que les actifs de l’entreprise en difficulté sont cédés à une nouvelle société qui poursuit l’activité de la première (« Asset Deal »).
Le rachat d’une entreprise en difficulté est réalisé sous la forme d’une cession d’actifs, c’est-à-dire que seuls sont repris les actifs de la société en difficulté (en tout ou partie) mais pas ses parts sociales. Ainsi, le repreneur n’a pas à répondre des dettes contractées par l’entreprise en difficulté. À l’instar de ce qui se passe en France, dans le cadre d’un transfert d’entreprise, seuls les contrats de travail en cours sont repris de plein droit par le repreneur.
Le redressement par cession d’actifs est la voie la plus fréquemment empruntée en Allemagne pour poursuivre l’activité d’une entreprise en difficulté par le biais d’une nouvelle société. Il a pour principal avantage de pouvoir être engagé relativement rapidement et de ne transférer au repreneur, à l’exception des contrats de travail, aucune dette de l’entreprise en difficulté. En ce qui concerne les PME, les documents contractuels à établir sont, pour la plupart, peu volumineux et relativement simples.
Interlocuteur pour les négociations en Allemagne : l’administrateur judicaire ou un prestataire de services
Les négociations de reprise sont menées soit avec l’administrateur judiciaire nommé par le tribunal compétent en matière de procédures collectives (qui correspond en France au juge de la procédure collective du tribunal de commerce), soit avec un prestataire de services spécialisé, mandaté par l’administrateur judiciaire. Les honoraires de ce prestataire de services sont réglés par l’administrateur judiciaire ou directement par le repreneur. En règle générale, le prestataire de services peut prétendre à un certain pourcentage du prix de vente obtenu.
Remarque :
Contrairement à ce qui se passe en France, le maintien des emplois ne fait pas partie des missions de l’administrateur judiciaire. En Allemagne, l’administrateur judiciaire se doit simplement d’obtenir le meilleur résultat possible dans l'intérêt des créanciers. Seul le comité des créanciers (ou l’assemblée des créanciers) doit approuver la cession de l’entreprise en difficulté.
Début des négociations
Avant le début des négociations, il est conclu une déclaration de confidentialité. Occasionnellement, celle-ci peut être suivie d’une déclaration d’intention plus détaillée (Letter of Intent), dénuée de tout caractère contractuel. Il n’est pas rare qu’à ce stade, il faille d’ores et déjà faire une offre à titre indicatif concernant le prix de rachat, mais cela varie d’un administrateur judiciaire allemand à l’autre et suivant les cas.
Remarque :
Contrairement à la France, il n’est pas conseillé d’entamer en Allemagne des négociations en offrant le prix le plus bas possible. En effet, indépendamment de l’existence éventuelle d’une offre plus élevée de la part d’un concurrent, le prix de vente devrait en tout état de cause être supérieur à la valeur de liquidation estimée, puisqu'à défaut la liquidation serait plus intéressante aux yeux des créanciers. En Allemagne, tout administrateur judiciaire interromprait les négociations à ce stade, dans la mesure où il ne serait pas autorisé à vendre à un tel prix.
Audit (due-diligence) de l’entreprise en difficultés allemande
Contrairement à un rachat d’entreprise « normal », dans le cadre d’une procédure collective en Allemagne, il est généralement possible de ne procéder qu’à un audit juridique et économique extrêmement limité. Il est cependant d’usage, une fois la déclaration de confidentialité signée, de mettre à disposition des candidats au rachat, dans une data-room, les principaux documents commerciaux.
Calendrier et dépôt d’une offre ferme en Allemagne
Dans la majorité des cas, les candidats au rachat ne disposent que d’un très bref laps de temps pour procéder à une analyse de l’entreprise allemande en difficulté. L’administrateur judiciaire allemand fixe généralement, dès le début des négociations, une date relativement proche pour le dépôt d’une offre ferme, de sorte qu’il ne reste pas beaucoup de temps pour examiner en détail l’entreprise en difficulté, prendre le temps de la réflexion et mener des négociations approfondies.
Remarque :
En Allemagne, dans le cadre du rachat d’une entreprise en difficulté, il convient de veiller à ce qu'au moment de la conclusion du contrat de vente, la procédure collective définitive ait effectivement été ouverte, car si le contrat de vente est conclu avec l’administrateur judiciaire au cours de la procédure collective provisoire (« vorläufiges Insolvenzverfahren »), le repreneur risque de devoir répondre des dettes antérieures de l’entreprise en difficulté (par exemple en ce qui concerne les impôts et taxes déjà dus par l’entreprise).
Acceptation de l’offre et contrat de vente en Allemagne
Dans le cadre d’une procédure collective, le rachat d’une entreprise en Allemagne, en tout ou partie, se fait toujours auprès de l’administrateur judiciaire. C’est lui qui signe le contrat de vente, les associés de l’entreprise en difficulté ne disposant, à cet égard, d’aucun droit de regard ni d’information.
Le contrat de vente indique précisément les biens vendus au repreneur. Si celui-ci est une société étrangère, par exemple une société française, il est généralement conseillé de procéder à la reprise par le biais d’une filiale allemande spécialement créée à cet effet.
En cas de reprise de biens grevés par une sûreté (par exemple un droit de gage, une cession à titre de garantie au profit d’une banque etc.), le repreneur doit, lors de la signature du contrat de vente, veiller à acquérir la pleine propriété des biens qui doivent être libres de toute sûreté.
En cas de reprise de stocks, il est souvent préférable d’indiquer, tant dans l’offre que dans le contrat de vente, que la valeur des stocks doit être évaluée après leur reprise, sur une base convenue d’avance et par l’établissement d’un inventaire contradictoire, puis fixée dans un avenant au contrat de vente.
Une fois l’offre acceptée, l’administrateur judiciaire soumet au repreneur un projet de contrat qui ne peut alors plus être négocié que sur certains points seulement. C’est pourquoi il est primordial d’inclure dans l’offre ferme ses propres souhaits et conditions.
Remarque :
Contrairement à ce qui se passe en France, il ne peut être ordonné un transfert automatique au repreneur des contrats existant avec des tiers. Le transfert de contrats conclus avec des tiers requiert l’accord du cocontractant concerné. Il est tout à fait indiqué de préciser dans l’offre et dans le contrat de vente que c’est à l’administrateur judiciaire qu’il incombe de recueillir cet accord.
Accord du comité des créanciers allemand
Toute cession d’actifs requiert l’accord du comité des créanciers, ou de l’assemblée des créanciers lorsqu’aucun comité de créanciers n’a été nommé. Même si, en règle générale, l’administrateur judiciaire allemand agit aussi lors des négociations en concertation avec le comité des créanciers, l’accord de ce dernier n’est formellement requis qu’après la signature du contrat de vente avec l’administrateur judiciaire. Mais même si ce dernier ne demande pas l’accord du comité des créanciers, le contrat de vente reste opposable. Cette omission ne peut avoir de conséquences « qu'uniquement » au niveau de la responsabilité de l’administrateur judiciaire.
Remarque :
Contrairement à ce qui se passe en France, en Allemagne la cession des actifs d’une entreprise en difficulté est à ce stade moins formelle. L’acceptation de l’offre n’est pas soumise à une concertation avec le juge commissaire ou avec le tribunal compétent en matière de procédures collectives (qui correspond en France au juge de la procédure collective du tribunal de commerce). Seul l’accord du comité des créanciers est exigé.
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