Prêt de main d’œuvre de la France vers l'Allemagne : le principe de l'égalité de salaire (« equal pay »)
11 juin 2020
Toute entreprise française qui met à disposition certains de ses salariés à une entreprise allemande pour la réalisation d’un projet a l’obligation de se conformer aux dispositions strictes du droit du travail allemand. Celles-ci ont été considérablement renforcées en avril 2017. Ainsi par exemple, en application de la loi allemande sur le prêt de main d’œuvre (« Arbeitnehmerüberlassungsgesetz »), une entreprise prêteuse française, outre le fait qu’elle doive être titulaire d’une autorisation de mise à disposition de main d’œuvre délivrée par l'Agence fédérale allemande pour l'emploi (« Bundesagentur für Arbeit »), est tenue "d’accorder au salarié intérimaire, pendant toute la durée de la mise à disposition, les mêmes conditions de travail essentielles, y compris de rémunération, que celles qui s’appliquent à tout salarié exerçant des fonctions comparables au sein de l’entreprise utilisatrice (principe d'égalité de traitement)".
Dans ce contexte, l'entreprise utilisatrice allemande se doit de préciser, dans la convention de prêt de main d’œuvre, les conditions de travail applicables à ses salariés occupant des postes comparables.
Ainsi, si une entreprise en Allemagne verse à ses salariés occupant des postes comparables une rémunération supérieure à celle à laquelle le salarié français détaché à l'étranger a droit en vertu de son contrat de travail français et de la convention collective française à laquelle il est soumis, le droit du travail allemand exige que ces salariés bénéficient d’un traitement égal et, en particulier, que le salarié intérimaire perçoive une rémunération similaire à celle versée au personnel permanent en Allemagne. Cette règle s’applique dès le premier jour et pour toute la durée de la mise à disposition (étant précisé que depuis le 1er avril 2017, la durée maximale du prêt de main d’œuvre en Allemagne est de 18 mois).
Dans le cadre de la mise à disposition de personnel, il ne peut être dérogé au principe de l'égalité de traitement que dans des conditions très précises définies par la loi. La loi allemande sur le prêt de main d’œuvre prévoit la possibilité de verser un salaire différent (inférieur) au cours des 9 premiers mois de la période de mise à disposition si une convention collective dérogeant expressément au principe d'égalité de traitement susvisé s'applique à l'entreprise utilisatrice.
De même, une société prêteuse ayant son siège en France peut, dans les mêmes conditions qu’une société d’intérim ayant son siège en Allemagne, déroger à l'obligation d'égalité de traitement grâce à l’application d'une convention collective (française). La convention collective française applicable à la relation de travail servant de base au détachement transfrontalier d'un travailleur intérimaire doit cependant satisfaire certaines exigences minimales de fond et doit surtout avoir expressément "eupour objectif de réglementer les cas de dérogation au principe d'égalité de traitement ".
Selon l'Agence fédérale allemande pour l'emploi, les entreprises implantées dans un autre pays de l'UE ont également la possibilité de prévoir l’application d’une convention collective allemande (« Flächentarifvertrag ») qui renonce expressément au principe de l'égalité de traitement, dans les mêmes conditions que toute société prêteuse ayant son siège en Allemagne, dans le cadre d’une relation de travail individuelle (donc dans le cas de la France, dans le cadre d’un contrat de travail avec un salarié français).
La question de savoir s’il est toutefois juridiquement envisageable et possible, d’un point de vue pratique, de se référer à une convention collective allemande applicable aux agences d’intérim dans un contrat de travail français semble pour le moins discutable.
Quelles conséquences le non-respect du principe de l'égalité de salaire peut-il avoir en Allemagne ?
Une entreprise prêteuse qui, dès le départ, ne paie pas beaucoup mieux ses salariés que ne le font ses clients en Allemagne doit reproduire quasi intégralement le système de rémunération de l’entreprise utilisatrice pendant la période de mise à disposition du travailleur intérimaire français et l'appliquer à ce dernier. Contrairement à d'autres aspects de droit du travail, le fait de rester en-deçà de la rémunération minimale conduit moins à des économies qu’il ne constitue en réalité une infraction passible d'une amende.
Tout manquement au principe de l'égalité de traitement peut notamment donner lieu aux sanctions suivantes :
- amende pouvant aller jusqu'à 500.000 € ;
- le cas échéant, retrait de l'autorisation de prêt de main d’œuvre ;
- le travailleur intérimaire concerné peut réclamer en justice le versement de la différence entre la rémunération due et la rémunération versée et, en cas d'arriérés importants, refuser d'exécuter sa prestation de travail.
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