Principes du « licenciement pour suspicion » en Allemagne et consultation préalable du salarié concerné
11 juin 2020
Tout employeur en Allemagne peut prononcer à l’encontre d’un salarié un licenciement sans préavis pour motif grave (« außerordentliche Kündigung ») ou un licenciement avec préavis pour motif réel et sérieux (« ordentliche Kündigung ») s'il existe, à son encontre, des soupçons de commission d’une infraction pénale ou d’un abus de confiance. En droit du travail allemand, un tel licenciement pour suspicion correspond donc à un licenciement non pas fondé sur une infraction pénale ou un abus de confiance caractérisé(e), mais uniquement sur l’existence d’une suspicion motivée. L'employeur est tenu, au préalable, d’entendre le salarié concerné sur les faits qui lui sont reprochés et de lui accorder un délai raisonnable pour y répondre.
En Allemagne, un licenciement pour suspicion est justifié si
- des faits objectifs existent,
- qui font naître une forte suspicion que le salarié se soit rendu coupable d'un manquement grave à ses obligations contractuelles et
- que l'employeur a fait tout ce qui pouvait raisonnablement être attendu de lui afin de clarifier les faits. Ce dernier point suppose également qu’il ait, préalablement au licenciement, interrogé et entendu le salarié concerné sur les griefs formulés à son encontre.
La suspicion doit se fonder sur des faits concrets. Dans la pratique, le licenciement pour suspicion est le plus souvent prononcé sous la forme d’un licenciement pour motif grave, par conséquent sans préavis.
Dans un litige sur la validité d'un licenciement pour suspicion, ce ne sont pas seulement les faits connus de l'employeur au moment de la notification du licenciement qui importent, mais également toutes circonstances connues ultérieurement et susceptibles d’amoindrir ou de renforcer la suspicion initiale. Cela vaut à tout le moins pour les faits qui existaient déjà objectivement au moment de la réception du courrier de licenciement par le salarié. De même, le salarié a le droit de rapporter et de prouver des faits invalidant les suspicions soulevées par l'employeur à son encontre.
Il existe toutefois une restriction à la prise en compte des motifs de licenciement connus ultérieurement à la notification du licenciement, à savoir lorsqu’une consultation du comité d'entreprise allemand est requise préalablement au licenciement. Dans ce cas, l’employeur ne peut se prévaloir valablement de motifs de licenciement connus ultérieurement qu'à condition qu'il n'en ait eu connaissance que postérieurement à l’envoi du courrier de notification de licenciement et qu'il ait de nouveau consulté le comité d'entreprise à ce sujet (application analogue des dispositions de l'article 102 de la loi allemande sur l’organisation sociale des entreprises - BetrVG).
Un licenciement pour suspicion n’est établi que si l'employeur le justifie par le fait que la confiance nécessaire à la poursuite de la relation de travail est anéantie par la simple suspicion du comportement non prouvé du salarié. Si les conditions d'un licenciement pour suspicion sont réunies, l'employeur doit mettre en balance les intérêts des parties avant d’entamer la procédure. À cet égard, les éléments que l'employeur allemand doit prendre en considération sont notamment l'ancienneté du salarié concerné, son âge ainsi que ses antécédents en termes de comportement au travail. Les fonctions du salarié constituent elles aussi un élément à prendre en considération lors de la mise en balance des intérêts. À titre d’exemple, il peut être procédé plus facilement au licenciement pour ce type de motifs d’un salarié occupant un poste qui requiert une relation de confiance particulière (telle qu’une caissière) que d’un salarié occupant un poste moins délicat.
Si l'employeur manque à son obligation de recueillir au préalable les remarques du salarié sur les faits lui étant reprochés, le licenciement pour suspicion sera infondé et sans effet. Toutefois, l'employeur ne commet pas de faute dès lors que le salarié lui-même se refuse à commenter en détail lesdits faits constituant la suspicion en question.
Conseil pratique : au cours de cet entretien préalable, l'employeur doit accorder au salarié concerné un délai raisonnable pour répondre aux griefs formulés à son encontre. Selon une décision rendue par le tribunal supérieur du travail du Land de Schleswig-Holstein, si l'employeur fixe un délai trop court et qu’il licencie le salarié à l’expiration de ce délai sans avoir recueilli ses observations, le licenciement prononcé pour cause de suspicion est alors nul et sans effet (voir la décision du LAG Schleswig-Holstein du 21.3.2018, 3 Sa 398/17).
Un cas typique et souvent rencontré de licenciement pour suspicion est celui prononcé à la suite d’un vol commis au sein de l’entreprise et pour lequel les soupçons pèsent sur un salarié en particulier. Dans un tel cas, le licenciement intervenu ne deviendra pas invalide quand bien même le salarié serait ultérieurement acquitté au terme d'une procédure pénale.
A l'inverse, après l’échec d’un licenciement pour suspicion par suite d'une décision du tribunal du travail (« Arbeitsgericht ») n'ayant pas considéré les indices comme suffisants pour caractériser une infraction pénale, un nouveau licenciement sera possible si le salarié fait entretemps l’objet d’une condamnation par les juridictions pénales au titre de cette infraction.
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