Baux commerciaux en temps de pandémie de Covid-19 : la jurisprudence des Cours d’appel allemandes diverge
Le tribunal régional supérieur (OLG) de Dresde a récemment statué en faveur d’un locataire à bail commercial en jugeant que ce dernier pouvait réduire son loyer de 50 % s'il avait dû fermer son magasin sur ordre des autorités en raison de la crise sanitaire. Cf. notre article du 16 mars 2021.
En revanche, d'autres tribunaux régionaux supérieurs allemands ont considéré que les locataires à baux commerciaux étaient généralement tenus de payer l'intégralité du loyer pendant la période de fermeture administrative et ne pouvaient exiger une révision du loyer que dans des cas exceptionnels dans lesquels leur existence se trouverait menacée (par exemple, OLG Karlsruhe, 24.02.2021 – 7 U 109/20 - BB 2021, 718 et OLG Munich, 17.02.2021 - 32 U 6358/20 - NJW 2021, 948). Ces deux arrêts ont déjà tenu compte de la nouvelle disposition légale entrée en vigueur le 31.12.2020 et instituant le fait que la pandémie constitue une « perturbation du fondement du contrat » (Störung der Geschäftsgrundlage). Lors de l’entrée en vigueur de cette nouvelle réglementation, de nombreux juristes s'attendaient à ce qu'il soit désormais plus facile pour les locataires de locaux commerciaux touchés par une fermeture administrative d'obtenir une réduction de loyer.
Or, au regard des arrêts précités, il n’apparaît déraisonnable de demander à un locataire à bail commercial de supporter les obligations découlant du contrat que "si la mise en jeu de la responsabilité du locataire entraîne la destruction de son existence, ou du moins une atteinte grave à son avancement économique, et si l'application du contrat initial conduit à un résultat inacceptable qui ne serait plus compatible avec la loi et le droit". La question de savoir si le maintien du contrat conduit à un résultat inacceptable qui n'est tout simplement plus compatible avec la loi et le droit, ne dépend donc pas uniquement d'une éventuelle perte de chiffre d'affaires du locataire pendant le confinement, mais il convient plutôt de considérer la situation dans son ensemble.
A cet effet, les tribunaux régionaux supérieurs susmentionnés ont retenu les critères suivants pour évaluer le seuil de raisonnabilité :
- Pertes de chiffre d'affaires du magasin pendant le confinement
- Pertes de chiffre d'affaires subies par l'ensemble du groupe pendant le confinement
- Exploitation de toutes les mesures possibles afin d’augmenter les ventes (par exemple : au moyen de campagnes de bons ou de rabais, service de livraison, service d'enlèvement)
- Développement d'alternatives de revenus en changeant le modèle d'affaires (par exemple : mise en place de la vente en ligne au lieu de la vente au détail stationnaire)
- Compensation des pertes de chiffre d'affaires par des aides d'État (par exemple : allocation de chômage partiel ou allocation de transition)
- Réduction des charges pendant le confinement (par exemple : mise au chômage partiel des salairés, réduction des coûts de maintenance)
- Réduction des charges après le confinement (par exemple : achat de moins de nouvelles marchandises car les marchandises non vendues pendant le confinement sont encore disponibles dans l'entrepôt et peuvent être vendues)
- Augmentation des ventes après le confinement (notamment grâce à des effets de rattrapage)
- Possibilité de constituer des réserves avant le confinement (notamment en fonction du chiffre d'affaires et du bénéfice des années précédentes)
C’est désormais à la Cour fédérale de justice allemande (BGH) que revient le dernier mot. Le tribunal régional supérieur de Karlsruhe ainsi que le tribunal régional supérieur de Dresde ont tous deux admis un pourvoi en cassation. Il convient toutefois de relever que, dans sa jurisprudence sur les questions relatives à la période précédant la crise sanitaire, le BGH a toujours statué de manière très favorable aux bailleurs. La Cour fédérale de justice (BGH) a, par exemple, jusqu'à présent jugé que le locataire d'un bail commercial supportait généralement le risque de l'utilisation du bien loué conformément aux dispositions légales et qu’il supportait le risque que ses attentes en matière de bénéfices ne soient pas satisfaites en raison de mesures législatives ou règlementaires ultérieures susceptibles d'entraver ses opérations commerciales. Il reste à voir comment le BGH se prononcera finalement dans les deux affaires jugées par le tribunal régional supérieur de Dresde et le tribunal régional supérieur de Karlsruhe, et quand la première décision sera prise sur les réductions de loyer dues aux fermetures administratives de magasins en raison de la crise sanitaire.
Notre équipe reste à votre disposition pour toute question à ce sujet.
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