L’action révocatoire en Allemagne
29 juillet 2020
L’action révocatoire en Allemagne
Les partenaires commerciaux d’entreprises allemandes en difficulté, et également leurs salariés, se plaignaient depuis des années de l’insécurité juridique résultant de l’action révocatoire (« Insolvenzanfechtung ») telle qu’elle était prévue par le Code allemand régissant les entreprises en difficulté. La réforme du droit allemand des procédures collectives entrée en vigueur en 2017 permet de réduire les risques pour la vie économique des entreprises, notamment pour les partenaires commerciaux et les créanciers d’entreprises en difficulté, et de garantir un système simple et facile à mettre en œuvre afin d’établir un équilibre raisonnable entre les créanciers.
Quelle était la situation de droit en Allemagne avant la réforme ?
Selon les règles de droit en vigueur avant cette réforme, l’administrateur judiciaire (« Insolvenzverwalter ») de toute entreprise allemande faisant l’objet d’une procédure collective disposait, postérieurement à l’ouverture de la procédure collective, de la possibilité de contester rétroactivement les paiements effectués par l’entreprise en difficulté au profit d’un créancier au cours des 10 années ayant précédé la survenance de ses difficultés de paiement.
- Cette possibilité de contestation existait dès lors que le créancier pouvait, au moment du paiement, déceler chez le débiteur des signes d’un état imminent d’insolvabilité. Le seul fait d’accorder un paiement échelonné pouvant constituer un tel indice.
- La contestation entraînait systématiquement l’obligation, pour le créancier, de verser des intérêts sur la créance et ce rétroactivement à partir de l’ouverture de la procédure collective.
- Les créanciers devaient, en cas d’insolvabilité du débiteur et même si ce dernier les avait payés depuis des années déjà, prendre ces risques en considération dans leur bilan.
- Une certaine insécurité existait également du côté des salariés quant aux conditions selon lesquelles, il pouvait par exemple leur être demandé de rembourser une rémunération qui leur avait été versée avec du retard.
Cette situation de droit a conduit, en pratique, à pléthore d’actions révocatoires entreprises par des administrateurs judiciaires allemands. Le simple fait que des clients finaux se soient vus accorder de généreuses conditions de paiement alors qu’ils traversaient une période de crise financière a poussé des administrateurs judiciaires à réclamer le remboursement de sommes versées jusque 10 ans auparavant. Il n’est pas rare que ces créances, qui s’élevaient en pratique souvent à plusieurs millions d’euros, aient causé la déconfiture de créanciers, obligés de rembourser les sommes déjà perçues. Il en résultait une forte insécurité juridique dans la vie économique des entreprises.
Quelles modifications la réforme a-t-elle apportée en matière d’action révocatoire en Allemagne ?
La réforme a visé à remédier à cette insécurité juridique et à rendre beaucoup plus prévisible, pour les partenaires commerciaux d’une entreprise en difficulté, toute action révocatoire initiée par l’administrateur judiciaire contre un acte juridique du débiteur accompli dans l’intention de nuire à ses créanciers.
Les créanciers ayant accordé des facilités de paiement à leurs débiteurs ne doivent pas, à ce titre, être pénalisés en courant le risque d’une action révocatoire du seul fait de l’octroi de ces facilités de paiement.
Contrairement au projet de loi initial, l’administration fiscale et les organismes de sécurité sociale ne bénéficient pas de privilèges. Le principe d’égalité entre les créanciers s’en trouve ainsi renforcé.
Quelles sont les modifications les plus importantes pour les partenaires commerciaux d’entreprises allemandes insolvables ?
- Le délai de contestation rétroactive pour les paiements effectués par l’entreprise allemande en difficulté avant l’ouverture de la procédure collective au profit d’un créancier passe de 10 à 4 ans.
- Si un créancier a reçu une prestation de la part du débiteur pour laquelle il lui a directement fourni en retour une prestation équivalente, la transaction ne peut plus, en principe, être contestée par l’administrateur judiciaire allemand (« Bargeschäftsprivileg », droit d’exclure de l’action révocatoire tout paiement du débiteur pour lequel il a reçu, en corrélation directe avec ce paiement, une prestation équivalente). Il existe toutefois une exception à cette règle, lorsque l’administrateur judiciaire peut rapporter la preuve que le débiteur a agi de manière « déloyale ».
- Les paiements dits concordants, c’est-à-dire ceux auxquels le créancier avait un droit en vertu de l’acte juridique sur lequel ils reposent, ne peuvent plus être contestés par l’administrateur judiciaire qu’à la condition que le créancier ait eu connaissance de l’insolvabilité du débiteur au moment de la réception du paiement.
- En cas de convention de paiement échelonné, il est désormais présumé (avec possibilité de renverser cette présomption) que le créancier n’avait pas connaissance d’un risque d’insolvabilité ou de l’existence d’un état d’insolvabilité du débiteur.
- Les intérêts dus par le créancier de l’entreprise allemande en difficulté ne sont plus à payer de manière rétroactive à compter de l’ouverture de la procédure collective, mais seulement à compter du retard de paiement (envoi par l’administrateur judiciaire d’un courrier de rappel).
Quels avantages cette réforme représente-elle pour les salariés allemands ?
Si la période entre le début de la prestation de travail dont la rémunération est l'objet du litige et le versement du salaire ne dépasse pas les 3 mois, l’administrateur judiciaire ne peut plus faire révoquer le versement du salaire.
Dans quels cas désormais une action révocatoire peut-t-elle encore être entreprise en Allemagne ?
Le législateur allemand n’entendait pas toucher au fondement même de l’action révocatoire. A savoir le fait qu’un administrateur judiciaire puisse faire révoquer tout acte accompli par le débiteur dans l’intention de porter préjudice à ses créanciers. Il s’agit cependant, dans le cadre du nouveau texte de loi, de limiter cette possibilité au cas où l’intention du débiteur était de porter préjudice aux créanciers « de manière inappropriée ». Cela concerne donc notamment les cas où un créancier possédant une créance née avant l’ouverture de la procédure collective s’est indûment vu accorder une sûreté ou un bien, ou faciliter son obtention.
Vous souhaitez plus de précisions sur le déroulement d’une action révocatoire en Allemagne ? Retrouvez les conditions, la procédure ainsi que les effets d’une telle action dans notre article « Insolvenzanfechtung : obligation de restituer une prestation reçue ».
Notre équipe reste à votre disposition pour toute question complémentaire à ce sujet.