L'obligation des gérants d'effectuer une requête en constatation d'insolvabilité en période de crise de l'entreprise
28 juillet 2020
Au regard du droit allemand de la faillite, le gérant d'une société allemande a l'obligation d'effectuer une requête en constatation d'insolvabilité soit en cas de cessation de paiements (« Zahlungsunfähigkeit ») soit, et à la différence du droit français, en cas de surendettement (« Überschuldung ») de la société en question. Dans le cas d'une cessation de paiements imminente (drohende Zahlungsunfähigkeit), la requête en constatation d'insolvabilité peut être accomplie par le débiteur mais ceci n'est pas une obligation.
L'ouverture d'une procédure collective en cas de cessation de paiement (Zahlungsunfähigkeit)
En application du droit allemand, l'état de cessation des paiements est caractérisé par le fait d'être dans l'impossibilité de s'acquitter de ses obligations de paiement devenues exigibles. L’état de cessation de paiements se réfère à des difficultés de trésorerie et est, en règle générale, admis lorsque le débiteur a cessé de régler ses paiements. Concernant les engagements de paiement du débiteur étant exigibles, elles doivent toutes être prises en compte. Même les dettes minimes doivent en principe être payées. D'autres dettes telles que les livraisons ou prestations du débiteur ne sont pas à prendre en compte. Les obligations de paiement doivent être exigibles. Une mise en demeure ou un courrier similaire préalable n’est pas nécessaire. Les dettes assorties d'un paiement différé ne seront pas considérées comme exigibles.
Quelle est la différence entre la cessation de paiement et l'interruption provisoire des paiements ?
On parle d'interruption minime des paiements lorsque le débiteur possède de nouveau des liquidités dans un temps prévisible. Il ne s'agit donc pas de cessation de paiement dans ce cas. La limite entre l'interruption des paiements et la cessation de paiement n'est pas toujours facile à définir. C’est pour cette raison que la jurisprudence en la matière est abondante. La jurisprudence a dégagé le principe suivant : d'après la Cour fédérale de justice (« Bundesgerichtshof »), on ne se trouve pas encore dans une situation de cessation de paiement si pendant une période de maximum trois semaines, moins de 10 % de l'ensemble des obligations exigibles ne peuvent pas être exécutées.
Conseil pratique : En cas de doute, il est préférable que le gérant, avec l'aide d'un conseiller, mette en place l'état des liquidités ainsi qu’un calcul pour la période concernée afin de minimiser le risque d'engager sa responsabilité.
L'ouverture d'une procédure collective en cas de surendettement (« Überschuldung »)
Le surendettement est constitué, d'après le droit de la faillite allemand, lorsque l'actif du débiteur ne couvre plus ses dettes existantes. En effectuant une évaluation du patrimoine du débiteur, il y a lieu de prononcer la sauvegarde de l'entreprise dès lors qu'au regard des circonstances, la survie de l'entreprise semble probable (« pronostic de continuation » / « Fortführungsprognose »). Les conditions requises quant à l'existence d'un pronostic de continuation valable d'une entreprise sont la volonté du débiteur de maintenir cette entreprise, ou plutôt de ses organes dirigeants ainsi que la capacité objective de survie de l'entreprise.
Conseil pratique : Une documentation détaillée portant sur les effets positifs d'un pronostic de continuation établie par l'organe de gestion est essentielle. Si une procédure contentieuse tendant à engager la responsabilité du gérant est intentée, c'est sur le gérant que repose la charge de la preuve concernant la véracité de son pronostic.
Souvent l'existence d'un surendettement peut être évitée par la conclusion d’une convention de cessation de rang (« Rangrücktrittserklärung ») avec un associé qui a prêté de l’argent à la société en difficulté. Une telle convention signifie que l'associé (créancier) et la société allemande (débitrice) conviennent de placer la créance à un rang inférieur à celui de toutes les autres créances de la société. Néanmoins si un remboursement est effectué auprès de cet associé, ce remboursement peut être contesté par le liquidateur judiciaire de la société et la somme devra alors être restituée par l’associé.
Quel est le délai de dépôt de la demande d’ouverture d’une procédure collective ?
Lorsque l’obligation de faire une requête est constituée le gérant d’une GmbH doit alors déposer sa requête auprès du tribunal d’instance allemand (« Amtsgericht ») compétent « sans retard fautif » et au plus tard trois semaines après la survenance de l’état de la cessation de paiements. Depuis le 1er janvier 2021 ce délai est porté à six semaines dans l’hypothèse où la demande d’ouverture est fondée sur un état de surendettement (« Überschuldung » ; auparavant ce délai était également de trois semaines).
Quelle est la responsabilité civile des gérants dans le cadre de leur requête en constatation d'insolvabilité ?
Information des co-contractants
Le gérant d'une GmbH doit informer les cocontractants de la société du dépôt d'une requête en constatation d'insolvabilité. À défaut, il risque d’engager sa propre responsabilité civile si un fournisseur de son entreprise subit un préjudice trouvant sa cause dans l'omission d'information par le gérant.
Observation : En principe, les gérants d’une GmbH allemande n'engagent pas leur responsabilité civile sur le fondement des dettes de leur société. Il existe toutefois quelques exceptions par exemple lorsque le gérant a profité de la confiance du cocontractant ou lorsqu'il avait un intérêt propre et immédiat dans l'activité commerciale concernée.
Le cas des paiements effectués après la survenance de l’état de cessation des paiements
Il est interdit aux sociétés de capitaux de procéder à tout paiement ou à toute opération financière conduisant à une diminution du patrimoine social à compter de la survenance d’un état de cessation des paiements de l’entreprise. Cette règle a pour but la préservation du patrimoine social à répartir ultérieurement entre les créanciers dans le cadre de la procédure collective. Un manquement à cette règle entraîne, en principe, la mise en jeu de la responsabilité personnelle du gérant. Dans une décision récente, le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de cassation) a renforcé la sécurité juridique des gérants qui, après la survenance de l’état de cessation des paiements, souhaitent poursuivre l’exploitation du fonds de commerce en vue de redresser l’entreprise et qui, pour ce faire, doivent procéder à des paiements. Ainsi, si une entreprise en difficulté reçoit une contrepartie en lien économique direct avec un paiement de sa part, son gérant pourra être libéré de sa responsabilité au titre du prélèvement effectué sur le patrimoine social si, au moment où cette contrepartie bénéficie à l’entreprise, celle-ci a une valeur certaine.
Précisions : La décision susvisée facilite le redressement des entreprises en difficulté devant à court terme déposer une demande d’ouverture d’une procédure collective en ce qu’elle améliore également, en règle générale, les chances de poursuite de leur exploitation ainsi que les perspectives de redressement dans le cadre d’une procédure collective. Grâce à un échange le plus direct possible entre le paiement et la contrepartie équivalente, ce sont aussi les conditions de réalisation de ce qu’on appelle en droit allemand un Bargeschäft (acte juridique par lequel le débiteur reçoit une contrepartie en lien direct avec son paiement) qui se trouvent remplies. Dans ce contexte, la remise en cause du paiement effectué par le débiteur au profit de son partenaire commercial en cours de procédure collective est, en règle générale, exclue.
Amendes et peines pour le non-respect de l'obligation de faire une requête
Le non-respect du délai donne lieu aux sanctions civiles et pénales prévues à cet effet. Si la requête en constatation d'insolvabilité n'est pas effectuée, mal effectuée ou alors n'est pas déposée dans les temps, alors le gérant fautif risque une amende ou une peine de prison pouvant aller jusqu'à 3 ans.
Notre équipe reste à votre disposition pour toute question complémentaire à ce sujet.