Allemagne : un leader du marché allemand de la droguerie condamné à cesser de faire de la publicité sur la « neutralité climatique » de ses produits
Les consommateurs, surtout en Allemagne, sont de plus en plus sensibles aux produits durables et respectueux de l'environnement. D’où l’intérêt pour les entreprises de mettre en avant ces qualités dans leurs publicités en suivant le vieux dicton allemand « Tue Gutes und rede darüber » (Fais du bien et parles-en).
Toutefois, un arrêt récent du tribunal régional (Landgericht) de Karlsruhe rappelle qu’il convient d’être très précis dans les allégations publicitaires (réf. : 13 O 46/22 KfH). La loi allemande contre la concurrence déloyale (UWG) interdit la divulgation d’informations trompeuses, notamment sur les caractéristiques du produit ou service proposé, dans la publicité. Vous trouverez plus d’informations sur les actes commerciaux trompeurs ici.
En l’espèce, une chaîne de droguerie allemande avait présenté des produits tels que du savon liquide, de la crème solaire, du gel de douche et du liquide vaisselle comme étant « neutres pour le climat » ou « neutres pour l'environnement », notamment sur l'emballage du produit. Elle avait dans ce contexte affiché le label de la société ClimatePartner certifiant la neutralité climatique.
L’association de protection de consommateurs et de l’environnement « Deutsche Umwelthilfe » (DUH) a mis la chaîne de droguerie en demeure de cesser cette présentation. Faute de déclaration d’abstention de la part de la société la DUH l’a assignée devant le tribunal régional de Karlsruhe. (Vous trouverez plus d’informations sur la procédure type en cas d’un acte de concurrence déloyale en Allemagne ici.) En tant qu’association de consommateurs, elle est habilitée à agir contre les pratiques de concurrence déloyale en Allemagne – et elle le fait d’ailleurs régulièrement dans des cas de « greenwashing », souvent avec succès et surtout beaucoup d’attention médiatique.
Manque de transparence dans la communication
La DUH a notamment reproché un manque de transparence dans la présentation des produits comme neutres pour le climat ou l’environnement. Le tribunal a partagé cet avis. Il manquait, selon lui, des précisions nécessaires sur les produits pour permettre au consommateur de vérifier la prétendue neutralité climatique ou environnementale. L’indication donnée sur l’emballage des produits, à savoir « compensé en CO2 », était considérée comme insuffisante. Selon le tribunal, il manquait des informations sur les étapes du cycle de vie du produit auxquelles se réfère la prétendue neutralité et sur les critères à remplir pour obtenir le label de ClimatePartner. Ces informations seraient essentielles pour le consommateur moyen qui s'intéresse à l'environnement. Certes, ClimatePartner met à disposition ces informations sur son site internet. Cependant, le tribunal a considéré le simple fait de mentionner le nom de l’organisme de certification comme insuffisant. Selon lui, il manquait un lien vers le site internet pour répondre aux exigences de transparence relatives aux affirmations de neutralité climatique.
Certificat de neutralité climatique insuffisant
Ensuite, et plus important encore, le tribunal a remis en question les critères de certification de ClimatePartner, organisme de certification très répandu. ClimatePartner considère un produit comme « neutre pour le climat » dès lors que le CO2 émis lors de la production est compensé par le financement de certains projets, par exemple un projet de protection d’une forêt. Pourtant, un tel projet peut certes permettre de couper moins d’arbres ce qui aura pour conséquence d’économiser du CO2. Cependant, tôt ou tard, tout arbre finit par mourir, que ce soit par abattage ou par pourrissement - et c'est précisément à ce moment-là que le CO2 qu'il contient est libéré. Le problème réside dans le fait que le CO2 a une durée de vie dans l'atmosphère dépassant largement la durée des projets de protection des forêts.
Le label « neutre pour le climat » sous-entend que le gaz à effet de serre émis par le produit a été durablement neutralisé dans le bilan. Or, une telle promesse ne peut pas être tenue par le financement de projets de protection des forêts financés par l'achat du produit. Il s’agit donc d’une publicité trompeuse selon le droit allemand.
Certificat de neutralité environnementale insuffisant
Enfin, le tribunal a également interdit l’utilisation du certificat de « neutralité environnementale » venant d’une autre organisation. Selon le tribunal, le consommateur comprend ce label dans le sens d'un produit au bilan environnemental équilibré ce qui ne correspond toutefois pas à la réalité. En effet, le certificat prend en compte les émissions de CO2, l’eutrophisation, l'acidification, le smog estival et l'appauvrissement de la couche d'ozone, mais il ne tient pas compte des huit autres critères pour une neutralité environnementale.
La chaîne de droguerie précisait en bas et sur le dos de l’emballage qu’elle compensait les effets sur les cinq critères susvisés mais elle ne précisait pas qu’il existe d’autres critères pour lesquels les effets ne sont pas compensés. Le consommateur peut donc avoir l'impression que les cinq critères mentionnés représentent l'ensemble des critères pertinents et que le produit est donc totalement neutre pour l’environnement. Le slogan sur le dos de l’emballage « Notre contribution à la protection du climat et à la réduction de l'impact environnemental » a été jugé insuffisant pour contrer la fausse impression donnée par le reste des indications.
Même si les juges allemands ont salué la trajectoire vers une plus grande neutralité climatique et environnementale, ils ont donc interdit à la chaîne de droguerie de faire de la publicité sur la neutralité climatique et environnementale, le tribunal jugeant une telle publicité comme « prématurée ».
La transformation vers une économie plus durable concerne toutes les entreprises. Promouvoir ses propres progrès est important, mais cela doit se faire dans le respect du droit allemand de la concurrence. Notre cabinet se tient à votre disposition pour vous conseiller sur ces questions.
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