Que faire contre les pratiques de concurrence déloyale en Allemagne ? La procédure typique de mise en demeure et d’ordonnance de référé
15 février 2023
Les entreprises victimes de pratiques commerciales déloyales ou d'infractions au droit de la concurrence en Allemagne disposent de plusieurs moyens pour y mettre fin.
Si un concurrent tire des avantages d’une concurrence déloyale ou une entreprise est personnellement affectée par une pratique commerciale déloyale d’un concurrent, l'entreprise peut s'opposer à cette pratique. Il n'est pas nécessaire de prouver un préjudice causé par l'infraction aux règles de concurrence. Par conséquent, le principal moyen d'action en droit allemand de la concurrence n'est pas la demande de dommages et intérêts, qui peut de toute façon poser des problèmes de preuve. Ce sont bien plus les demandes de suppression et d'abstention (Beseitigungs- und Unterlassungsanspruch) qui dominent le quotidien du droit de la concurrence en raison de leur rapidité et de leur relative facilité de mise en œuvre.
La demande de suppression vise à éliminer une infraction aux règles de concurrence qui a déjà eu lieu, par exemple une déclaration préjudiciable à l'activité commerciale. En revanche, la demande d’abstention peut déjà être faite même si l’infraction à la concurrence n'a pas encore eu lieu, mais qu'il existe une probabilité raisonnable qu'elle se produise à l'avenir. Ce droit existe bien entendu également pendant ou après une infraction à la concurrence, dans la mesure où il existe un risque que l'infraction se reproduise de manière similaire.
Le droit à la suppression des agissements déloyaux suppose en outre que la violation ne soit pas justifiée et que la mesure de suppression soit proportionnée.
Pour qu'une entreprise puisse faire valoir elle-même une demande de suppression ou de cessation en Allemagne, il faut que l'entreprise qui agit de manière déloyale soit considérée comme un concurrent.
La procédure typique pour faire valoir ces demandes de suppression ou d’abstention est la suivante :
1. Mise en demeure
Dans un premier temps, il est régulièrement judicieux de demander au concurrent, par le biais d'une lettre de mise en demeure, de remédier à l'infraction au droit de la concurrence et de s'engager à s'en abstenir dans le futur. Cela peut réduire certains risques de coûts dans une éventuelle procédure judiciaire ultérieure et, en cas de succès, offre souvent la possibilité la plus rapide de mettre fin à l'infraction.
La mise en demeure contient, outre des informations formelles sur l'identité de l'auteur de la mise en demeure et sa qualité de concurrent, une description précise de la pratique commerciale déloyale reprochée ainsi qu'une déclaration d'abstention préformulée incluant une pénalité contractuelle dont le montant doit être soigneusement évalué. Un délai de réponse raisonnable doit être fixé en fonction du cas d'espèce, souvent entre 7 et 10 jours, mais qui peut être de quelques heures seulement dans les cas particulièrement urgents. Si le délai fixé est trop court, la mise en demeure n'est pas invalidée. Au contraire, un délai raisonnable est automatiquement mis en œuvre. En cas de dépassement du délai, une menace d'action en justice doit être formulée.
Si la mise en demeure est valable et justifiée, la société victime a par ailleurs le droit, en vertu du droit allemand, de réclamer au concurrent le remboursement des frais nécessaires résultant de la mise en demeure. Toutefois, les frais d'avocat ne sont souvent remboursés qu'à hauteur de la rémunération légale. Seuls certains cas d'infraction aux obligations d'étiquetage sur Internet et certaines infractions à la protection des données sont exclus de manière générale du remboursement des frais.
Une mise en demeure peut toutefois être irrecevable, bien qu'il y ait une infraction à la concurrence. C'est le cas lorsqu'une demande (justifiée) de suppression ou de cessation est mise en œuvre de manière abusive. La loi contre la concurrence déloyale allemande (UWG) donne des exemples des cas de mises en demeures abusives, mais cela doit toujours être évalué au cas par cas. Sont notamment concernés certains cas de mises en demeures de masse, considérés comme indésirables par le législateur allemand. Sont également concernés les cas où l'auteur de la mise en demeure tente d'obtenir plus que ce à quoi il aurait droit : frais de mise en demeure trop élevés, pénalités contractuelles trop importantes, obligation d’abstention trop étendue.
Si la mise en demeure est considérée abusive, son auteur n’a pas droit au remboursement de ses frais de mise en demeure et doit en outre rembourser les frais de défense de la personne mise en demeure.
2. Si besoin : ordonnance de référé
Si le concurrent ne répond pas à la mise en demeure ou refuse de s'y conformer (vous trouverez ici un article sur les suites judicieuses à une mise en demeure), les entreprises en Allemagne peuvent saisir les tribunaux en référé et obtenir généralement une décision très rapidement. La grande majorité des affaires de concurrence déloyale devant les tribunaux allemands sont résolues de cette manière.
Cependant, pour que le tribunal intervienne dans le cadre d'une procédure d'urgence, le droit allemand exige que l'entreprise lésée réagisse rapidement à l'infraction dès qu'elle en a connaissance. A défaut, le caractère urgent de l'affaire, nécessaire pour une procédure d'urgence, ne s'applique pas. Le délai de réaction que les tribunaux allemands considèrent comme acceptable dépend fortement des régions. Les décisions varient souvent à cet égard. Néanmoins, en règle générale, on peut estimer qu'une période d'un mois sera encore acceptée.
En cas de succès, le tribunal émet une ordonnance de référé obligeant le concurrent à supprimer la pratique commerciale déloyale et à s'en abstenir à l'avenir. Si nécessaire, l’ordonnance peut être exécutée par des moyens coercitifs.
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