Responsabilité du gérant d’une GmbH (société à responsabilité de droit allemand)
18 juin 2020
Responsabilité envers des tiers
En ce qui concerne ses relations avec les tiers, les actes de gérance n’engagent en principe que la GmbH (SARL de droit allemand) et non pas le gérant lui-même. Il y a néanmoins des exceptions à retenir, dans lesquelles la responsabilité personnelle est plus étendue qu’en France. Ceci concerne notamment les impôts et les charges sociales, pour lesquels les autorités compétentes peuvent mettre en cause la responsabilité personnelle du gérant en cas de fausses déclarations et de non-versements.
Responsabilité interne envers la société
En interne, les gérants d’une GmbH bénéficient d’une grande autonomie en ce qui concerne les décisions entrepreneuriales (« Business Judgement Rule »). Même pour des opérations qu’il n’aurait pas dû réaliser, un associé-gérant n’engage sa responsabilité envers la société que si ses décisions conduisent à un risque de perte de liquidités ou de disparition de la société ou encore si elles sont à l’origine de la perte d’une partie du capital social.
Une jurisprudence récente explique bien en quoi consiste la responsabilité du gérant d’une GmbH. Il en ressort clairement que les gérants de GmbH disposent d’une marge de manœuvre relativement large. Tout gérant d’une GmbH doit pouvoir prendre, dans les limites de l’objet social de la société, des décisions commerciales dont les répercussions sur la société ne sont pas toujours très claires. Le gérant allemand peut toujours s’exposer à un certain risque.
Pour se couvrir, les gérants doivent toutefois s’informer de manière suffisante avant de prendre des décisions à risques, et même documenter leurs recherches d’informations. En effet, si la question de savoir si le gérant a commis une faute dans l’exercice de son pouvoir de décision vient à se poser, il est alors important de pouvoir déterminer s’il s’était suffisamment informé en temps voulu avant de prendre sa décision.
À cet égard, les associés gérants peuvent bénéficier d’un statut privilégié en matière de responsabilité. S’il y a identité entre les associés et les gérants d’une société et si, d’un commun accord, ils prélèvent une partie du patrimoine social, la responsabilité des associés gérants n’est engagée, même en cas de faute commise dans l’exercice de leur pouvoir de décision, que dans la mesure où leurs actions mettent en péril l’existence même de la société ou sont contraires au principe de conservation du capital social (voir arrêt de la Cour d’appel de Coblence du 23.12.2014, 3 U 1544/13).
Particularités de la responsabilité fiscale du gérant d’une GmbH (SARL de droit allemand)
En Allemagne, la création d’une société à responsabilité limitée a été nettement facilitée par la mise en place, il y a quelques années, d’une nouvelle forme de société, la « Unternehmergesellschaft - UG », nécessitant seulement un faible apport. La mise en place de conditions moins contraignantes a contribué à une forte augmentation du nombre de créations de sociétés. Malgré la responsabilité limitée de la société, le gérant d’une UG ou d’une GmbH (SARL de droit allemand) peut voir sa responsabilité personnelle engagée pour le paiement des charges sociales, tout comme dans le domaine fiscal.
En Allemagne, les créateurs d’entreprises négligent souvent les risques liés à la responsabilité personnelle du gérant vis-à-vis de l’administration fiscale.
Le livre des procédures fiscales allemand (Abgabenordnung - AO) fixe les bases légales pour la mise en œuvre par l’administration fiscale de la responsabilité personnelle du gérant.
Selon l’article 69 AO, le gérant d’une UG ou d’une GmbH (SARL de droit allemand) peut être poursuivi pour le règlement des dettes fiscales de la société
- si, en raison du comportement intentionnel du gérant ou par sa négligence grave,
- l’administration fiscale n’a pas pu fixer le montant des impôts en temps voulu,
- si les dettes fiscales n’ont pas pu être réglées à temps ou
- ne peuvent être recouvrées.
Selon cet article, le gérant peut également voir sa responsabilité personnelle engagée pour les majorations ou les pénalités afférentes.
Les obligations déclaratives du gérant d’une GmbH ou d’une UG en matière fiscale
Au moment de la constitution de la société, le gérant doit informer l’administration fiscale de la création et de l’enregistrement de la société. Il doit également indiquer à l’administration fiscale la date de début de l’activité sociale.
Le gérant doit toujours signer personnellement les déclarations fiscales de la société. Par sa signature, il s’engage personnellement à ce que les obligations fiscales de la société soient accomplies avec la diligence d’un bon père de famille (voir arrêt de la Cour fédérale des Finances : BFH, jugement du 26.01.2016, VII R 3/15).
L’importance de la question de la Lohnsteuer (assimilable au prélèvement à la source en France) pour le gérant allemand
En Allemagne, l’employeur prélève à la source l’impôt sur le revenu et le reverse directement au Service des impôts compétent. Le gérant doit être très attentif à ce point. L’obligation de payer l’impôt sur le revenu incombe généralement au salarié. La retenue à la source de l’impôt sur le revenu par l’entreprise sert uniquement à faciliter la procédure. De ce fait, le montant de l’impôt sur le revenu retenu est, du point de vue de l’entreprise, uniquement considéré comme des fonds externes gérés par l’entreprise.
Selon la jurisprudence allemande, le non-reversement de l’impôt sur le revenu retenu par l’entreprise au Service des impôts compétent est considéré de manière constante comme une violation intentionnelle ou une négligence grave de l’obligation de reverser l’impôt retenu (voir arrêt de la Cour fédérale des Finances : BFH, jugement du 11.11.2008, VII R 19/08).
La violation d’une obligation peut également entraîner des conséquences pénales (peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à cinq ans, voire dix ans dans des cas particulièrement graves).
N.B. : Si l’entreprise ne dispose pas de liquidités suffisantes pour pouvoir reverser l’impôt sur le revenu au Service des impôts, le gérant doit limiter la rémunération des salariés de telle sorte qu’il lui reste assez de moyens financiers pour procéder au versement de l’impôt sur le revenu dû.
Les dispositions particulières qui s’appliquent aux gérants allemands en matière de TVA
La violation de la règlementation en matière de TVA n’a pas de conséquences aussi graves mais peut également engendrer des risques pour le gérant. Il convient notamment de respecter le principe du remboursement partiel selon lequel le gérant doit, en cas de difficultés financières, veiller scrupuleusement à reverser la TVA au moins dans la même proportion que les créances des autres créanciers au cours de la même période. En effet, le gérant doit déterminer un taux de remboursement égal à l’ensemble de ses créanciers, y compris pour le Service des impôts.
Remarques générales :
1. Un gérant allemand ne peut pas se libérer de ces obligations en mandatant un expert-comptable ou un collaborateur disposant des compétences techniques requises.
2. Si l’entreprise fait appel à un expert-comptable pour l’établissement des déclarations fiscales ou la gestion courante des salaires, le gérant est tenu de surveiller de manière constante l’activité de l’expert-comptable et de faire en sorte de détecter rapidement les éventuelles irrégularités.
3. En pratique, l’administration fiscale allemande part du principe qu’il n’y a pas de violation intentionnelle et de négligence grave de l’obligation de contrôle fiscal incombant au gérant lorsque l’entreprise dispose d’un service de veille juridique (compliance) bien structuré chargé de surveiller le respect des obligations fiscales. Si toutefois, l’entreprise commet des fautes en matière fiscale, le gérant ne devrait normalement pas voir sa responsabilité engagée.
4. Toute personne acceptant d’apparaître formellement comme gérant d’une société doit être conscient du risque. La Cour fédérale de justice allemande (Bundesgerichtshof) a confirmé qu’il existait dans de tels cas d’importants risques liés à la responsabilité civile et pénale du gérant.
Les exigences particulières en cas de difficultés financières dans l’entreprise
Lorsque l’entreprise a des difficultés financières ou est menacée d’insolvabilité, le comportement du gérant est soumis à des exigences particulières. Dès lors que la société risque de se retrouver en état de cessation de paiements, le gérant doit limiter les dépenses de la société au strict minimum.
Dans une telle situation, le gérant d’une UG ou d’une GmbH (SARL de droit allemand) ne peut en aucun cas défavoriser le Service des impôts par rapport aux autres créanciers. Dans ce contexte, il est primordial que le gérant ait, dès la création de la société, exigé la libération des apports sociaux par les associés. S’il ne l’a pas fait, il sera tenu responsable pour le capital non appelé en cas d’insolvabilité (voir arrêt de la Cour fédérale des Finances allemande – Bundesfinanzhof – : BFH, jugement du 5.6.2007, VII R 65/05).
Notre équipe reste à votre disposition pour toute question complémentaire à ce sujet.