En Allemagne, un employeur a-t-il le droit de mettre en garde un autre employeur contre un ancien salarié ?
Les employeurs allemands peuvent en principe avoir un intérêt légitime à mettre en garde d'autres employeurs contre d'anciens salariés. Toutefois, les conditions pour ce faire sont très strictes.
Dans une affaire récente, le tribunal régional supérieur du travail (Landesarbeitsgericht - LAG) saisi a considéré qu’il n’était en principe pas interdit aux employeurs de fournir des informations relatives aux performances et au comportement des salariés pendant la durée de la relation de travail, et ce indépendamment de l'accord du salarié dont il s’agit, à condition toutefois que cela ait pour but de soutenir d'autres employeurs dans la défense de leurs intérêts. Cependant, il conviendra toujours de respecter les droits généraux de la personne du salarié, protégés par la loi fondamentale allemande. L'ancien employeur doit donc, dans tous les cas, mettre en balance les droits généraux de la personne du salarié avant toute divulgation d’informations relatives au comportement de ce dernier. Selon le tribunal, cette appréciation doit également porter sur la protection contre la divulgation de données à caractère personnel, et cela même si celles-ci ont été portées à la connaissance de l'employeur de manière licite (cf. arrêt du LAG Rheinland-Pfalz, 05/07/2022 - 6 Sa 54/22 - BeckRS 2022, 20460).
Dans l'affaire en question, une ancienne salariée d'un service de soins avait exigé de son ancien employeur qu'il s'abstienne de tenir des propos diffamatoires envers d'éventuels nouveaux employeurs. Alors que la salariée avait un nouvel emploi, le gérant de l'ancien employeur avait contacté le nouvel employeur afin de l'informer des nombreux manquements de la salariée à ses obligations. Il avait notamment évoqué de fausses déclarations lors de son embauche (fausses informations dans le CV) ayant permis à la salariée d'obtenir frauduleusement le contrat de travail, des violations des règles relatives à la protection des données, des absences injustifiées et un outrepassement de ses missions. L'ancien employeur a estimé qu'il avait un intérêt légitime à révéler ce comportement au nouvel employeur afin d'éviter que ce dernier et ses clients ne subissent un préjudice. L'ancienne salariée a démenti ces accusations.
Selon le tribunal régional supérieur du travail, l'employeur avait, dans ce cas précis, violé le droit de la personnalité de l'ancienne salariée. Même si les reproches formulés à l'encontre de la salariée correspondaient à la vérité, l'ancien employeur n'avait en l'occurrence aucun intérêt supérieur à la transmission de ces informations. Le tribunal a motivé sa décision par le fait que les informations prétendument erronées contenues dans le CV n’étaient précisément pas en lien avec la performance ou le comportement durant la relation de travail. En outre, dans la mesure où l'employeur n'avait pas prononcé d'avertissement relatif aux autres reproches, comme l'absence injustifiée ou la violation des règles relatives à la protection des données, et ne les avait évoqués qu’après la rupture du contrat de travail, le tribunal a considéré que l'employeur avait manifestement cherché à nuire à la salariée en transmettant ces informations. Même si la transmission d'informations à un nouvel employeur n'est pas interdite en son principe par le droit du travail allemand, elle l’est néanmoins souvent dans la pratique en Allemagne. Avant, en tant qu'ancien employeur, d'appeler le nouvel employeur d'un ancien salarié afin de le mettre en garde contre ce dernier, il convient d'examiner attentivement les circonstances concrètes du cas d'espèce et, en cas de doute, de solliciter un avis juridique.
Notre cabinet se tient à votre disposition pour toute question complémentaire à ce sujet.
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