Licenciement nul : la jurisprudence allemande renforce ses exigences en matière de demandes ultérieures de paiement de salaire par le salarié
Lorsqu'un salarié en Allemagne s'oppose à un licenciement prononcé à son encontre et saisit le tribunal du travail (Arbeitsgericht), il a bien entendu droit au maintien de son salaire pendant la durée de son préavis. Ensuite, jusqu'à ce qu'un jugement définitif soit rendu – ou une transaction judiciaire conclue –, il existe une insécurité juridique pour les parties, surtout pour l'employeur : en effet, si les juges estiment que le licenciement n’est pas justifié, la relation de travail sera considérée comme n'ayant jamais été interrompue. Elle subsiste inchangée, contrairement au droit français. Dans ce cas, le salarié en Allemagne dispose donc en principe d’un droit rétroactif au paiement du salaire pour toute la période de la procédure de protection contre le licenciement. Dans le cas de procédures qui peuvent s'étendre sur plusieurs instances et plusieurs années, cela peut coûter très cher aux employeurs - et ce, sans que le salarié n'ait fourni la moindre prestation de travail pendant la procédure judiciaire.
Il convient toutefois de noter que le droit au paiement rétroactif du salaire ne doit pas placer le salarié dans une situation plus favorable que celle dans laquelle il se trouverait s'il n'avait pas été licencié. Il sera donc imputé à sa créance de salaire le montant du salaire qu’il a gagné entretemps ailleurs. En outre, le salarié verra également imputer à sa créance salariale le salaire fictif qu'il aurait pu gagner s'il n'avait pas, de mauvaise foi, omis d'accepter un travail qui pouvait raisonnablement être accepté. Sur ce dernier point, la jurisprudence des tribunaux du travail allemands est devenue de plus en plus stricte ces dernières années. La Cour fédérale du travail (Bundesarbeitsgericht) a tout d'abord décidé en 2020 (réf. : 5 AZR 387/19) que le salarié était tenu de fournir à l'employeur des informations sur les propositions de placement de l'agence pour l'emploi (Bundesagentur für Arbeit ou Jobcenter), en précisant l'activité, les horaires, le lieu de travail et la rémunération. Cela permet à l'employeur d'évaluer si le salarié a refusé de prendre un autre emploi de manière répréhensible. Cela n'était guère possible avant cet arrêt.
Un jugement récent du tribunal supérieur du travail (Landesarbeitsgericht) de Berlin-Brandebourg du 30 septembre 2022 (réf. : 6 Sa 280/22) augmente désormais encore la pression sur les salariés et précise les exigences concernant leurs efforts pour trouver un autre emploi. Dans l'affaire jugée, le salarié a été licencié sans motif valable – le licenciement a donc été jugé nul et non avenu. Il a reçu 23 offres d'emploi de l'agence pour l'emploi pendant la durée de son litige, en passant par plusieurs instances entre 2017 et 2021. Certes un chômeur (ou un salarié qui conteste son licenciement) n'est pas obligé d'accepter toute offre d'emploi, mais il doit faire des efforts sérieux pour trouver un emploi. En l'occurrence, l'agence allemande pour l'emploi a pu lui proposer suffisamment d'emplois acceptables correspondant à son profil et à sa rémunération. Le salarié a seulement pu prouver qu'il avait postulé pour trois de ces 23 postes. Ainsi, le tribunal a considéré ses efforts insuffisants. Il a en outre critiqué le fait que le salarié s'était montré trop négligent dans ses contacts avec les employeurs potentiels, par exemple en restant plusieurs fois injoignable par téléphone ou en laissant les demandes de précisions adressées par e-mail sans réponse.
Le salarié n’a pas non plus pu se défendre en déclarant avoir envoyé 103 candidatures spontanées, le tribunal considérant également que cela était insuffisant. Sur l'ensemble de la période, ce nombre ne correspondait même pas à une candidature par semaine, alors que l'on pouvait s'attendre à des efforts de candidature équivalents à un poste à temps plein (!). La qualité des candidatures laissait également à désirer, les lettres de motivation étaient succinctes, contenaient des erreurs et n'étaient pas individualisées en fonction de l'entreprise concernée. En outre, il apparaissait que le salarié n'avait pas relancé les candidatures restées sans réponse.
Tout cela était incompatible avec l'image d'un « candidat fortement intéressé ». Le tribunal a donc conclu que le salarié s'était abstenu de mauvaise foi de chercher un autre emploi et lui a donc refusé ses prétentions salariales. Il reste à voir si d'autres tribunaux suivront la ligne très claire du tribunal supérieur du travail de Berlin-Brandenburg. Quoi qu'il en soit, cette décision donne aux employeurs en Allemagne de nombreux arguments sur lesquels ils pourront s'appuyer à l'avenir pour refuser des demandes ultérieures de paiement de salaire après une procédure de protection contre le licenciement gagnée par le salarié – sous la réserve que la mise en œuvre procédurale de ces arguments puisse parfois s’avérer compliquée dans la pratique.
Le droit allemand permet d’ailleurs également à l’employeur de rechercher lui-même des postes similaires et de demander à l’employé licencié de postuler pour ces postes. De ce fait, il dispose d’un moyen supplémentaire pour faire pression sur l’employé.
Cependant, dans tous les cas, il convient de vérifier que le contrat de travail ne contient pas une clause de non-concurrence post-contractuelle. Une telle clause empêcherait le salarié de postuler pour des postes similaires. Le cas échéant, il appartiendra à l’employeur de faire un choix entre l’intérêt d’une situation de non-concurrence et l’intérêt d’exclure les risques éventuels de demandes ultérieures de paiement de salaire par le salarié en renonçant à la clause de non-concurrence post-contractuelle. Dans un tel contexte, il convient toujours d’analyser en détail les conséquences parfois complexes d’une renonciation à la clause de non-concurrence post-contractuelle.
Notre cabinet se tient à votre disposition pour toute question complémentaire à ce sujet.
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