Rémunération des membres du comité d’entreprise en Allemagne : ni trop faible, ni trop élevée
Un arrêt récent de la sixième chambre criminelle de la Cour fédérale de justice allemande (Bundesgerichtshof, réf. : 6 StR 133/22) donne l’opportunité de faire le point sur les salaires et les primes des membres d’un comité d'entreprise (Betriebsrat) que l’on pourrait comparer au CSE (Comité social et économique) de droit français.
L’affaire en question concerne le comité d’entreprise du constructeur automobile Volkswagen. Le montant des salaires et des primes versés à certains membres du comité d'entreprise de VW préoccupe la justice depuis des années. Il est reproché aux dirigeants de l'entreprise d'avoir accordé des rémunérations excessives aux membres du CE, ce qui peut en principe constituer un délit d'abus de confiance. La Cour fédérale de justice allemande vient de casser un arrêt du tribunal régional (Landgericht) de Braunschweig qui a relaxé les dirigeants de l’accusation d’abus de confiance. Selon la Cour, le tribunal régional de Braunschweig s’est basé sur des faits insuffisants pour évaluer si la rémunération était contraire aux principes de la loi allemande relative aux relations salariés-entrepreneurs au sein de l’entreprise (Betriebsverfassungsgesetz).
En effet, cette loi prévoit que les membres d’un comité d’entreprise allemand ne sont pas rémunérés pour leur travail au sein du comité, même s’ils sont dispensés à 100 % d’exercer leurs fonctions salariées afin de pouvoir effectuer leurs fonctions au sein du CE (ce qui n’est possible que dans des entreprises d’au moins 200 salariés). Par contre, ils continuent de percevoir le salaire relatif à leur poste, même s’ils ne l’occupent pas dans les faits.
En conséquence, plusieurs questions complexes se posent, notamment en ce qui concerne la rémunération d’un membre du Betriebsrat allemand pendant le temps qu’il passe à exercer des activités pour le compte de ce comité et donc alors qu’il n’exerce pas ses fonctions relevant de son poste de travailleur salarié. La loi pose le principe selon lequel les membres du comité d’entreprise ne doivent en aucun cas être désavantagés par rapport à leurs collègues exerçant les mêmes fonctions.
En général, la rémunération d’un salarié augmentera avec l’ancienneté et donc avec le temps passé dans l’entreprise. Il convient donc de prendre le cas d’un salarié fictif exerçant le même poste que le membre du comité d’entreprise et d’évaluer comment son salaire aurait évolué s’il n’avait pas exercé d’activité au sein du comité d’entreprise. Cette reconstruction fictive peut même amener à octroyer une promotion à un membre du CE qui exerce une activité à temps plein au sein du CE si cette promotion est considérée comme habituelle pour des collègues qui ont une situation professionnelle comparable mais qui ne sont pas membre du comité d’entreprise. En Allemagne, l’employeur doit porter une attention particulière à cette démarche ; une augmentation trop faible par rapport à des collègues placés dans une situation professionnelle comparable pourrait avoir pour conséquence de sanctionner le membre du comité d’entreprise pour l’exercice de son activité au sein de ce comité. En revanche, une augmentation trop importante pourrait être interprétée comme une volonté de la part de l'employeur de manipuler l'indépendance et de corrompre le membre du CE. Il est donc nécessaire de documenter soigneusement la décision prise et les raisons qui l'ont motivée.
D’autres questions peuvent se poser au sujet des heures supplémentaires par exemple. L’interdiction de désavantager les membres du comité d’entreprise selon le droit du travail allemand peut avoir pour conséquence de devoir rémunérer des heures supplémentaires purement fictives. En effet, si un membre du comité d’entreprise a exercé ses fonctions au sein du comité un jour durant lequel il aurait dû faire des heures supplémentaires s’il avait effectué son travail habituel, alors sa rémunération doit prendre en compte ces heures supplémentaires qui n’existent qu’en théorie.
Au regard du raisonnement qui précède, se posent encore d’autres questions concernant la prise en compte de l’activité pour le comité d'entreprise en dehors du temps de travail, pendant un congé parental, un congé de maladie ou un congé de formation. Ces thématiques ne sont que quelques illustrations nécessitant toujours une étude au cas par cas.
Notre cabinet se tient à votre disposition pour vous conseiller sur toutes ces questions relatives à la rémunération des membres du comité d’entreprise.
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