Règlement n°1215/2012 dit « Bruxelles I bis » du 12 décembre 2012
concernant la compétence judiciaire,
la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale :
Les nouveautés
En matière civile et commerciale, le règlement européen aujourd’hui pertinent est le règlement n°1215/2012, dit « Bruxelles I bis » du 12 décembre 2012, en ce qui concerne la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions. Entré en vigueur le 10 janvier 2015 et applicable uniquement aux actions intentées après cette date, il est la nouvelle version du règlement n°44/2001 dit « Bruxelles I » du 22 décembre 2000. S’il est majoritairement identique à la version précédente, le règlement Bruxelles I bis apporte toutefois d’importantes nouveautés.
1. Du changement pour les particuliers
Pour les particuliers, le règlement se veut plus favorable.
Au moyen d’une clause mentionnée dans un contrat, appelée clause attributive de juridiction, les parties peuvent décider, avant même la naissance d’un litige, quel sera le tribunal compétent pour connaitre de ce litige. Le règlement Bruxelles I bis a renforcé l’autonomie des parties à stipuler une telle clause. Dans son article 25, il est prévu que n’importe quelle personne, qu’elle réside ou non dans l’Union européenne, peut désigner compétent un tribunal d’un Etat membre. Cela vaut donc même si les deux parties sont domiciliées dans des Etats tiers. Le règlement précédent prévoyait que l’une au moins des parties devait avoir son domicile dans un Etat membre pour pouvoir stipuler une clause attributive de juridiction valable.
Le paragraphe 5 de cet article 25 du règlement vise également à renforcer la valeur de ces clauses. Le texte précise en effet que la clause attributive de juridiction est à distinguer des autres clauses du contrat. Ainsi donc elle sera maintenue malgré la nullité du contrat.
L’entrée en vigueur du nouveau règlement de 2012 vise par ailleurs à renforcer la protection des parties faibles dans un procès. Cette partie faible va par exemple être le consommateur dans un contrat de consommation, ou le salarié dans un contrat de travail.
Les autorités européennes ont en effet voulu instaurer un système de protection uniforme au sein de l’espace judiciaire européen. L’objectif est d’avoir une protection égale pour tous.
Avec l’ancien règlement, la partie faible qui voulait intenter une action devant la juridiction du lieu de son domicile ne pouvait le faire que si le défendeur était domicilié dans un Etat membre de l’Union européenne. Si le défendeur était donc domicilié dans un Etats tiers à l’Union, s’appliquait alors le droit national de l’Etat du consommateur ou du travailleur (le demandeur), droit national qui est souvent moins favorable que le droit européen. Cette règle était source d’inégalités entre les citoyens de l’Union européenne, puisque certains bénéficiaient de règles nationales aussi protectrices que le droit européen, alors que d’autres n’en avaient pas la possibilité, leur droit national n’étant pas assez protecteur.
Ainsi, cette limite est abolie dans le règlement Bruxelles I bis. L’article 18 (1), pour les consommateurs, et l’article 21 (2) pour les travailleurs, permettent d’agir contre le cocontractant, même si celui-ci ne réside pas dans un Etat membre. Seuls les assurés n’ont pour l’instant pas bénéficié de cette protection. Les parties faibles ont donc désormais la possibilité de toujours saisir un tribunal auquel elles vont avoir facilement accès, celui de leur domicile.
2. Modifications en cas de litispendance
Il faut savoir que, pour des litiges plus ou moins identiques, il peut arriver que deux juges de deux Etats différents soient tous deux compétents. Les deux juges ont la possibilité de statuer sur le litige, chacun respectivement dans l’Etat dans lequel il se trouve. Survient alors le problème d’éventuels jugements inconciliables, que le règlement a pour objectif d’éviter. A cette fin, deux systèmes sont mis en place : la litispendance et la connexité.
Il y a litispendance européenne lorsque les juridictions de deux Etats membres sont saisies de demandes formées par les mêmes parties, ayant le même objet et la même cause. Donc, concrètement, au moment de l’introduction de l’instance dans un Etat, un tribunal étranger compétent a déjà été valablement saisi du même litige entre les mêmes parties.
La connexité se différencie uniquement de la litispendance en ce que les demandes n’ont pas le même objet, mais présentent seulement un lien étroit entre elles. Les conditions seront donc les mêmes qu’en matière de litispendance, à ceci près que les demandes ne sont pas parfaitement identiques.
Le principe de la litispendance et de la connexité revient à dire, que ce soit avec l’ancien ou avec le nouveau règlement, que la juridiction saisie en second lieu doit surseoir à statuer jusqu’à ce que la compétence du juge saisi en premier soit établie. En d’autres termes, le tribunal saisi en deuxième par les parties doit suspendre la procédure dont il est saisi jusqu’à ce que le tribunal qui a été saisi en premier se soit penché sur la question. Il faut que le premier tribunal ait d’abord exprimé qu’il est incompétent et donc qu’il n’est pas en mesure de rendre une décision pour que le deuxième tribunal puisse reprendre la procédure à son profit. Si le tribunal saisi en premier lieu se révèle compétent, alors le deuxième tribunal ne pourra pas reprendre le cours de la procédure. Cette règle vaut pour les deux types de systèmes, mais elle est seulement facultative en ce qui concerne la connexité.
Le règlement Bruxelles I de 2000 avait été critiqué sur ce point puisque la litispendance et la connexité ne jouaient qu’en présence de deux Etats membres de l’Union européenne. C’est pourquoi le nouveau règlement a inséré les articles 33 et 34 dans le but d’instaurer une litispendance et une connexité internationale, c’est-à-dire entre un Etat membre de l’Union et un Etat tiers. Désormais, les juridictions d’un Etat membre qui sont saisies en second vont pouvoir suspendre la procédure au profit des juridictions saisies en premier, mêmes si celles-ci sont celles d’un Etat tiers. Toutefois, l’article 33, qui traite de la litispendance, et l’article 34, sur la connexité, précisent tous deux que cette faculté de se dessaisir au profit d’un Etat tiers est seulement facultative.
Il existe cependant une exception à ces principes de litispendance et de connexité, qui a été elle aussi instaurée par le nouveau règlement. Cette nouveauté contribue à la fois à prévenir le régime de la litispendance et de la connexité qui est source d’insécurité juridique et d’imprévisibilité, mais également à renforcer une fois de plus la force des clauses attributives de juridiction (voir plus haut). En effet, désormais, d’après l’article 31 (2) du règlement Bruxelles I bis, si la juridiction désignée par la clause attributive de juridiction est saisie en second, alors c’est la première juridiction qui devra surseoir à statuer. Autrement dit, la présence d’une clause attributive de juridiction vient renverser le principe de la litispendance et de la connexité. Attention toutefois, cette exception ne vaut que pour les cas de litispendance ou de connexité entre deux Etats membres de l’Union européenne.
3. La suppression de l’exequatur
L’une des nouveautés majeures du nouveau règlement Bruxelles I bis réside dans la suppression de la procédure d’exequatur.
Une procédure d’exequatur est nécessaire lorsqu’une partie à un procès souhaite procéder à l’exécution forcée à l’étranger du jugement rendu dans un Etat. Cela était prévu par le règlement de 2000, qui exigeait une procédure simplifiée d’exequatur pour rendre un jugement exécutoire dans un autre Etat.
Mais avec le nouveau règlement, la nécessité de cette procédure d’exequatur disparait. Désormais, en droit européen, tous les jugements bénéficient de la reconnaissance (article 36) et de l’exécution (article 39) de plein droit. Cette nouveauté majeure a pour objectif premier de faciliter la libre circulation des jugements dans l’Union européenne. L’idée est aujourd’hui de considérer que toute décision rendue par les juridictions d’un Etat membre doit être traitée comme si elle avait été rendue dans l’Etat membre requis (dans lequel on souhaite faire exécuter la décision).
Ainsi, la partie qui veut rendre une décision exécutoire à l’étranger ne doit plus en faire la demande auprès des tribunaux. En effet, sous l’ancien règlement, il fallait respecter une procédure en première instance, non contradictoire et dirigée par le greffier en chef du Tribunal de grande instance. Avec l’entrée en vigueur du nouveau règlement, le mécanisme ne repose plus que sur la délivrance d’un certificat délivré par le juge qui a rendu le jugement.
Il faut noter toutefois que cette libre circulation des décisions se cantonne à l’espace européen seulement. L’exécution de plein droit ne peut se faire que dans un autre Etat membre de l’Union européenne.